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LES LIMITES DE LA REVOLUTION BOURGEOISE
Quel est l’aspect négatif de la révolution bourgeoise ?
« Le mode de production capitaliste se présente comme une nécessité historique pour transformer le travail isolé en travail social ; mais, entre les mains du capital, cette socialisation du travail n’en augmente les forces productives que pour l’exploiter avec plus de profit. » (135)
A quoi cela est-il dû ?
Au moyen âge, la propriété des produits reposait sur le travail personnel. C’est-à-dire le paysan, ou l’artisan, fabriquait son produit à l’aide de matières premières qui lui appartenaient, à l’aide de ses propres moyens de travail et de son propre travail manuel (ou de celui de sa famille).
Avec l’apparition du mode de production capitaliste, caractérisé par la production sociale des produits, à l’aide de moyens de production sociaux (machine à filer, métier mécanique, marteau à vapeur), moyens de production utilisés par un ensemble d’hommes réuni dans les fabriques (travail social), on traite moyens de production et produits comme s’ils étaient restés moyens de production et produits d’individus (la classe capitaliste).
Il convient de saisir la différence entre les deux formes d’appropriation du produit.
L’artisan du moyen âge, possesseur de ses moyens de travail, s’approprie le produit parce que, en général, c’est son produit : il est dû à son travail individuel.
Dans le mode de production capitaliste, le possesseur des moyens de travail continue à s’approprier le produit, alors que ce n’est pas le sien propre, mais qu’il est dû au travail d’autrui : le produit, créé socialement n’est pas approprié par le travailleur qui a mis en œuvre les moyens de production sociaux et a réellement fabriqué le produit mais il est approprié par le capitaliste.
Il y a contradiction entre le caractère social des moyens de production et la production, et une appropriation privée qui présuppose la production privée d’individus, et la propriété privée des produits. Alors que les conditions de l’appropriation privée ont disparu, on continue d’assujettir le mode de production à celle-ci.
Cette contradiction donne au nouveau mode de production son caractère capitaliste (production sociale -- appropriation capitaliste). Dans cette contradiction est en germe toute la grande collision actuelle entre exploiteurs et exploités, bourgeois et prolétaires. Au fur et à mesure où le nouveau mode de production arrivait à dominer dans tous les secteurs et réduisait la production individuelle à quelques restes, cette incompatibilité entre la production sociale par les travailleurs et l’appropriation privée par les capitalistes apparaissait de plus en plus aiguë. C’est cette contradiction qui constitue la base des transformations du mode de production lui-même :
« La seule voie réelle, par laquelle un mode de production et l’organisation sociale qui lui correspond changent, marchent à leur dissolution et à leur métamorphose, est le développement de leurs antagonismes immanents. » (136)
Nous avons vu l’aspect positif de la révolution bourgeoise : la transformation du travail isolé en travail social. Nous avons ici l’aspect négatif : l’appropriation privée par le capitaliste de la production sociale. Lénine a admirablement résumé ces deux aspects du capitalisme :
« Le capitalisme est progressif, car il détruit les anciens modes de production et développe les forces productives ; mais en même temps, à un certain degré de développement, il entrave la croissance des forces productives ? Il développe, il organise, il discipline les ouvriers, et il pèse, il opprime, il conduit à la dégénérescence, à la misère, etc. Le capitalisme crée lui-même son fossoyeur, il crée lui-même les éléments d’un régime nouveau et, en même temps, sans « bonds », ces éléments isolés ne changent rien à l’état de chose général, ne touchent pas la domination du capital. Ces contradictions de la vie réelle, de l’histoire vivante du capitalisme et du mouvement ouvrier, le marxisme, comme théorie du matérialisme dialectique, s’entend à les interpréter. » (137)
D’un côté, l’avènement de la bourgeoisie s’est fait par une lutte victorieuse contre la féodalité et le pouvoir féodal avec ses privilèges, et le régime corporatif qui empêchait le libre développement de la production et la libre exploitation de l’homme par l’homme.
De l’autre côté, le progrès qu’accomplit cette lutte victorieuse ne fait que transformer la forme de l’asservissement, ne fait que métamorphoser l’exploitation féodale en exploitation capitaliste.
A noter que, très rapidement après la naissance du système capitaliste, l’aspect négatif l’a emporté sur l’aspect positif.
« L’ensemble du développement embrassant à la fois la genèse du salarié et celle du capitaliste, a pour point de départ la servitude des travailleurs. » (138)