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31 mai 2023 3 31 /05 /mai /2023 10:30

Liberté, égalité, fraternité (Partie 21)

 

 

          1. LES FORMES CONTEMPORAINES DE L’ETAT

 

Il n’existe plus, ou seulement de manière tout à fait exceptionnelle, d’Etats caractéristiques du type de société esclavagiste. Les Etats de type féodal tendent à disparaître. Mao Tsetoung écrivait en 1939 :

« Les nombreux régimes d’Etats qui existent dans le monde peuvent donc être ramenés à trois types fondamentaux, d’après le caractère de classe du pouvoir politique :

a) La république de dictature bourgeoise ;

b) La république de dictature prolétarienne ;

c) La république de dictature conjointe de plusieurs classes révolutionnaires. »

Il y a donc : l’Etat capitaliste, l’Etat socialiste et l’Etat de démocratie nouvelle.

 

  1. L’ETAT CAPITALISTE

 

Il assure la domination de la classe bourgeoise sur le prolétariat, sous trois formes essentielles : la monarchie, la démocratie bourgeoise et le fascisme :

« En expliquant le caractère de classe de la civilisation bourgeoise, de la démocratie bourgeoise, du parlementarisme bourgeois, tous les socialistes ont exprimé cette idée, formulée de la manière la plus scientifique par Marx et Engels, à savoir que la république bourgeoise la plus démocratique n’est rien d’autre qu’un appareil permettant à la bourgeoisie de réprimer la classe ouvrière, permettant à une poignée de capitalistes d’écraser les masses laborieuses. » (122)

La monarchie absolue correspondait autrefois à une société de type féodal. La monarchie est devenue « libérale », « éclairée », ou « parlementaire » quand elle est devenue une forme étatique capitaliste (exemple actuel : l’Etat en Grande Bretagne a une monarchie parlementaire.)

La démocratie bourgeoise a institué le « suffrage universel ». Elle est née d’abord en France par la Révolution démocratique du 14 juillet 1789. Elle est, par excellence, une forme étatique du capitalisme usant des tromperies du parlementarisme et de l’électoralisme.

Le fascisme est une forme étatique du capitalisme qui assure, selon Dimitrov « la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier. »

 

Ces trois formes de l’Etat assurent la dictature de la bourgeoisie :

« Le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière. »

« L’Etat moderne, quelle que soit la forme, est une machine essentiellement capitaliste : l’Etat des capitalistes est le capitalisme collectif en idée. » (123)

 

La France contemporaine vit dans une démocratie bourgeoise en voie de fascisation. L’Etat est engagé dans un processus destiné à permettre la substitution éventuelle du fascisme à la forme démocratique bourgeoise actuelle. Cette éventualité aurait pour but d’opposer, en cas de nécessité, un Etat plus efficace dans la défense des privilèges et de la domination de la bourgeoisie, attaquée par la montée du mouvement révolutionnaire. La crise générale en cours du capitalisme français et mondial, crée des conditions historiques comportant cette hypothèse … ou la révolution prolétarienne.

 

  1. L’ETAT SOCIALISTE

 

Il assure la domination du prolétariat sur la bourgeoisie. Sa fonction historique est d’assurer l’étape transitoire du capitalisme au communisme. A ce sujet, Lénine a indiqué dans L’Etat et la Révolution :

« Le passage du capitalisme au communisme ne peut évidemment pas ne pas fournir une énorme abondance et diversité de formes politiques mais leur essence sera inévitablement une : la dictature du prolétariat. » (124)

Jusqu’à aujourd’hui, la dictature du prolétariat garantie par l’Etat socialiste, a « fourni » trois formes historiques : la Commune de Paris, le pouvoir des Soviets, et la démocratie populaire.

 

La Commune de Paris institua en effet la première forme d’Etat de dictature du prolétariat. Mais, à son époque, n’existait pas encore un parti révolutionnaire spécifiquement prolétarien. Son Etat souffrait gravement de la direction anarchique de plusieurs partis, révolutionnaires, certes, mais qui ne disposaient ni du contenu de classe, ni des structures, ni du fonctionnement d’un authentique parti du prolétariat.

 

Le pouvoir des Soviets a constitué la forme étatique supérieure de la dictature du prolétariat dirigée par un seul parti, le parti du prolétariat, parti nouveau, créé et édifié par Lénine et Staline.

 

La démocratie populaire a exercé « les fonctions de la dictature du prolétariat » (Dimitrov). Elle est apparue, dans des conditions particulières, après la victoire de la révolution anti-impérialiste et anti-colonialiste en Asie, comme après la victoire de la guerre de libération nationale contre le nazisme et le fascisme en Europe. Dans un Etat de démocratie populaire, la dictature du prolétariat s’exerce sous la direction du parti de la classe ouvrière, s’appuyant sur une alliance avec des partis ou groupements représentant d’autres classes ou couches sociales, comme par exemple la paysannerie pauvre et moyenne ou la bourgeoisie nationale.

 

  1. LA DEMOCRATIE NOUVELLE

 

Le régime d’Etat de la démocratie nouvelle est une forme d’Etat transitoire entre l’Etat capitaliste et l’Etat socialiste. Il est apparu dans la phase précédant la démocratie populaire, dans des pays jusque-là dominés par l’impérialisme, le colonialisme et le fascisme. Il assure la « dictature conjointe de plusieurs classes anti-impérialistes ». Il a été théorisé par Mao Tsetoung dans le cas particulier de la Chine. Le Vietnam du Nord a connu aussi une phase de démocratie nouvelle, tout comme plusieurs pays d’Europe centrale et orientale immédiatement après la fin de la deuxième guerre mondiale. Dans le cas de ces derniers pays, Jdanov qualifia, en 1947, leur système de « nouvelle démocratie ». Mao Tsetoung a aussi employé la formule « démocratie populaire ». Il convient donc d’éviter toute erreur assimilant une démocratie populaire, dictature conjointe de plusieurs classes, et une démocratie populaire, assurant la fonction de la dictature du prolétariat. Ce sont deux formes étatiques différentes.

 

La forme étatique de la dictature du prolétariat instaurée dans un pays où la révolution socialiste a brisé un Etat subordonné au capitalisme monopoliste (donc parvenu au stade capitaliste monopoliste d’Etat) n’a pas encore fait l’objet d’une seule expérience concrète. Sa théorisation reste donc difficile à élaborer sinon impossible.

 

  1. L’APPORT DE LA COMMUNE DE PARIS A LA THEORIE MARXISTE DE L’ETAT

 

En 1847, Marx et Engels avaient découvert que la lutte de classes constitue le moteur de l’histoire. Mais l’expérience de la Commune de Paris fournit à Marx la démonstration que « la classe ouvrière ne peut pas simplement s’emparer de la machine d’Etat toute prête et la mettre en marche pour la faire servir à ses propres fins… » Comme l’indiquait le Manifeste du parti communiste. Dans la Guerre civile en France (1871) et à l’occasion des lettres ou préfaces concernant cet ouvrage sur la Commune de Paris, Marx développa l’idée que la classe ouvrière doit briser, démolir « la machine d’Etat toute prête » et ne pas se borner simplement à s’en emparer.

Lénine, dans L’Etat et la Révolution préserva et développa cette idée fondamentale de Marx :

« « Briser la machine bureaucratique et militaire », c’est en ces mots que se trouve brièvement exprimée la principale leçon du marxisme sur les tâches du prolétariat dans la révolution à l’égard de l’Etat. » (125)

Mao Tsetoung assigna les tâches de la révolution d’une manière encore plus claire si possible :

« La tâche centrale et la forme suprême de la révolution c’est la conquête du pouvoir par la lutte armée, c’est résoudre le problème par la guerre. Ce principe révolutionnaire du marxisme-léninisme est valable partout. » (126)

Et par quoi remplacer la machine d’Etat démolie ? La République prolétarienne socialiste de la Commune de Paris avait commencé à créer un Etat dont « le premier décret… supprima l’armée permanente et la remplaça par le peuple en arme », puis supprima toute la « bureaucratie », remplaça le parlementarisme par « une assemblée non parlementaire mais agissante, ayant en même temps le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ». Lénine dit :

« La Commune est la première tentative faite par la révolution prolétarienne pour briser la machine d’Etat bourgeoise, c’est la forme politique « enfin trouvée » par quoi l’on peut remplacer ce qui a été brisé… les révolutions russes de 1905 et de 1917, dans une situation différente, en d’autres conditions, continuent l’œuvre de la Commune et confirment la géniale analyse historique de Marx. » (127)

Cette forme du premier Etat prolétarien de l’histoire fut, en 1871, la première expérience de dictature du prolétariat

 

  1. CRITIQUES DES THEORIES NON-PROLETARIENNES DE L’ETAT

 

  1. Le révisionnisme renonce à la dictature du prolétariat.

Critiquant les sociaux-démocrates de la Deuxième Internationale, les révisionnistes de l’époque, Lénine précisait en 1917, peu avant la Révolution :

« Celui-là seul est un marxiste qui étend la reconnaissance de la lutte des classes jusqu’à la reconnaissance de la dictature du prolétariat. » (128)

Ce critère fondamental permet de nos jours de démasquer les révisionnistes modernes comme représentants de la bourgeoisie au même titre qu’hier le furent par Lénine tous les opportunistes et réformistes comme Kautsky et Bernstein.

Par exemple Khrouchtchev et ses successeurs ont prétendu parvenir au communisme dans un bref délai. En s’appuyant sur cette fanfaronnade, ils ont avancé leur théorie révisionniste de l’ « Etat du peuple tout entier », se substituant à la dictature du prolétariat. Mais ce ne fut là qu’un stratagème pour permettre à une nouvelle bourgeoisie d’usurper, après la mort de Staline, le pouvoir soviétique, de le transformer dans le sens de sa domination et de ses intérêts de classe opposés à ceux de l’immense prolétariat soviétique. Et finalement, ils ont établi de nouveau la dictature de la bourgeoisie sous une forme étatique « sociale fasciste ».

 

  1. L’anarchisme

Les anarchistes veulent limiter la révolution à briser l’Etat de la bourgeoisie sans le remplacer par la dictature du prolétariat.

Cette attitude erronée correspond à leur méconnaissance théorique de l’origine et de la nature de l’Etat, instrument de domination d’une classe sur une autre classe opprimée. Elle revient à supposer qu’après la révolution disparaissent les antagonismes de classes et les classes elles-mêmes, alors qu’en réalité ce processus est infiniment plus complexe et plus long et ne disparaîtra pas, jusqu’au communisme.

Les anarchistes veulent instaurer une société « sans classe », mais ils ne s’en donnent nullement les moyens car, pour démolir, briser l’Etat de la bourgeoisie, il faut d’abord instaurer la force capable de mener cette tâche historique jusqu’au bout, c’est-à-dire la dictature du prolétariat. La révolution prolétarienne ne peut se passer de l’Etat de dictature du prolétariat pour accomplir complètement la destruction de l’Etat bourgeois.

 

  1. LE COMMUNISME ET LE DEPERISSEMENT DE L’ETAT

 

Marx qualifie le socialisme de « première phase de la société communiste ». Pendant cette phase qui assure la transition du capitalisme au communisme, subsiste l’Etat. Les expériences d’édification du socialisme, expériences victorieuses en Union soviétique et en République populaire de Chine, nous montrent que l’étape du socialisme est longue et ardue ; pendant cette période, la bourgeoisie ne se tient jamais pour battue, et la réaction essaye de prendre sa revanche de l’intérieur (révisionnisme) ou de l’extérieur (encerclement impérialiste). Dans toute cette période, le problème consiste à faire régner l’idéologie prolétarienne.

Par sa victoire, la Grande Révolution Prolétarienne Culturelle en Chine a incrusté plus solidement l’Etat de dictature du prolétariat. La voie suivie par cet Etat socialiste est fondamentalement inverse de la voie suivie par Khrouchtchev et ses successeurs, qui ont essayé et réussi à diluer la dictature du prolétariat dans un « Etat du peuple tout entier ».

Donc, l’Etat socialiste (dictature du prolétariat) assure la démocratie pour l’immense majorité du peuple et réprime par la force les exploiteurs et oppresseurs du peuple ; il assure aussi l’hégémonie prolétarienne par la refonte idéologique, morale et culturelle de l’homme. Engels s’exprime à ce sujet en écrivant :

« Tant que le prolétariat a besoin de l’Etat ce n’est point pour la liberté mais pour réprimer ses adversaires et le jour où l’on pourra parler de liberté il n’y aura plus d’Etat. » (129)

« Seul le communisme rend l’Etat superflu – écrit Lénine – car il n’y a alors personne à réprimer, « personne » dans le sens de classe, dans le sens de lutte systématique contre une partie déterminée de la population. »

 

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30 mai 2023 2 30 /05 /mai /2023 10:02

Liberté, égalité, fraternité (Partie 20)

 

 

CHAPITRE II

 

 

 

NATURE DE CLASSE DE L’ETAT

 

 

 

«  « Briser la machine bureaucratique et militaire », c’est en ces mots que se trouve brièvement exprimée la principale leçon du marxisme sur les tâches du prolétariat dans la révolution à l’égard de l’Etat. ». Lénine.

 

 

 

 

 

 

Pour saisir la conception et l’attitude marxiste par rapport au problème de l’Etat, il faut résoudre les questions suivantes : Qu’est-ce que l’Etat ? Quel est son rôle ? Comment se manifeste-t-il ? Quelles sont les diverses formes qu’il a prises aujourd’hui ? C’est là une application du matérialisme dialectique à un problème particulier, celui de l’Etat : il s’agit par-delà les apparences de définir la nature, la genèse et le rôle de l’Etat.

 

1) QU’EST - CE QUE L’ETAT ?

 

L’Etat n’a pas toujours existé : il y a eut des sociétés qui se sont passées de l’Etat ou du pouvoir d’Etat. Selon les connaissances actuelles de l’histoire de la société humaine le premier type de société a été la « commune primitive » (la mark germanique, les plus vieilles communautés aux Indes). Alors n’existaient pas encore de classes différentes. Les hommes vivaient en familles patriarcales, encore appelées « clan » ou « tribu ». Ce communisme primitif fait l’objet d’une partie de l’œuvre fondamentale de Friedrich Engels : Les origines de la famille, de la propriété privée et de l’Etat.

« Tels les hommes sortent primitivement du règne animal, tels ils entrent dans l’histoire : encore à demi animaux grossiers, impuissants encore en face des forces de la nature, ignorants encore de leurs propres forces ; par conséquent, pauvres comme les animaux et à peine plus productifs qu’eux, il règne une certaine égalité des conditions d’existences et, pour les chefs de famille, aussi une sorte d’égalité dans la position sociale, -- tout au moins une absence de classes sociales --, qui continue dans les communautés agraires naturelles des peuples civilisés ultérieurs. » (116)

La division du travail est à l’origine de la division de la société en classes. Ainsi, l’Etat est-il un « produit des antagonismes de classes inconciliables » (Lénine). C’est en effet lorsque les antagonismes de clases ne purent plus être « conciliés » qu’apparut la nécessité d’une force capable d’imposer non la conciliation, mais la domination d’une classe sur l’autre. L’Etat est donc « un instrument d’exploitation de la classe opprimée » (Lénine).

« (L’Etat) apparaît là et au moment où se manifeste la division de la société en classes, quand apparaissent exploiteurs et exploités. » (117).

Voilà pourquoi, dans le langage courant, on peut parler d’Etat esclavagiste, d’Etat féodal, d’Etat capitaliste. Ce dernier, qu’on appelle aussi l’Etat bourgeois, assure la domination de la bourgeoisie sur le prolétariat et constitue un instrument d’exploitation du prolétariat par la bourgeoisie.

« L’Etat, c’est une machine destinée à maintenir la domination d’une classe sur une autre. (…) L’Etat est une machine qui permet à une classe d’en opprimer une autre, une machine destinée à maintenir dans la sujétion d’une classe toutes les autres classes qui en dépendent. » (118)

Un changement important apparaît dans la fonction de l’apparition de l’Etat socialiste. L’Etat socialiste assure la domination du prolétariat sur ses anciens exploiteurs, c’est-à-dire la bourgeoisie. Mais ce n’est plus « un instrument d’exploitation d’une classe opprimée ». En effet, l’Etat prolétarien ne vise pas à exploiter la bourgeoisie mais à la détruire à travers une longue lutte de classes qui se poursuit sous la dictature du prolétariat. Quant aux autres classes (paysannerie, petite bourgeoisie) le prolétariat ne les exploite pas, mais les libère lui-même de la domination bourgeoise. Lénine définit ainsi le rôle de l’Etat soviétique après la Révolution d’Octobre :

« Cette machine, nous l’avons enlevé aux capitalistes, nous nous en sommes emparés. Avec cette machine, ou avec ce gourdin, nous anéantirons toute exploitation ; et quand il ne restera sur la terre plus aucune possibilité d’exploiter autrui, qu’il ne restera plus ni propriétaires fonciers ni propriétaires de fabriques, qu’il n’y aura plus de gavés d’un côté et d’affamés de l’autre, quand cela sera devenu impossible, alors seulement nous mettrons cette machine à la ferraille. Alors, il n’y aura plus d’Etat, plus d’exploitation. » (119)

Donc, pour connaître le contenu idéologique, politique et économique d’un Etat, il suffit de savoir quelle classe sert l’Etat et inversement : ceci est une conséquence de ce qui a été dit précédemment, c’est-à-dire la nature de classe de l’Etat.

 

2) COMMENT SE MANIFESTE L’ETAT ?

 

Selon Engels, l’Etat est une « force issue de la société, mais se plaçant au-dessus d’elle et s’en éloignant de plus en plus ». En quoi consiste cette force ? Comment se manifeste-t-elle ?

« Par rapport à l’ancienne société gentilice, l’Etat se caractérise en premier lieu par la répartition de ses ressortissants d’après le territoire (…). Cette répartition nous paraît « naturelle », mais elle a nécessité une lutte de longue haleine contre l’ancienne organisation par tribus ou par clans.

En second lieu vient l’institution d’une force publique qui ne coïncide plus directement avec la population s’organisant elle-même en force armée. Cette force publique particulière est nécessaire, parce qu’une organisation armée autonome de la population est devenue impossible depuis la scission en classes. » (120)

Ainsi, selon Engels, ce « pouvoir » qui s’appelle l’Etat, pouvoir issu de la société, mais se détachant d’elle et lui devenant de plus en plus étranger, se distingue :

  1. Tout d’abord, « par la répartition des ressortissants d’après la division territoriale ». Il s’agit des limites géographiques ou frontières qui n’existaient pas dans le communisme primitif.

  2. Ensuite par l’institution d’un pouvoir public qui comprend des « détachements spéciaux d’hommes armés et des accessoires matériels, prisons et institutions coercitives de toutes sortes. »

 

L’agent de police, le CRS, le juge, le gardien de prison, le militaire de carrière, le percepteur, le speaker de la radio et de la télévision, etc., manifestent l’existence de l’Etat « au-dessus de la population et s’en éloignant de plus en plus ».

Qu’est-ce à dire ? Cela signifie que l’Etat domine la classe opprimée au bénéfice de la classe qui le détient et il s’éloigne de plus en plus des formes originelles de la société humaine.

En ce sens, l’Etat, « détachement spécial d’hommes armés » se distingue de plus en plus de l’organisation spontanée de la population en armes de la société primitive.

L’Etat socialiste conserve ces caractéristiques indispensables pour assurer la dictature du prolétariat. Mais il tend à faire de nouveau intervenir de plus en plus la population dans les affaires d’Etat. La Grande Révolution Prolétarienne en Chine s’est développée dans le cadre de la dictature du prolétariat. Des formes nouvelles d’intervention des masses se sont substituées à l’Etat coercitif dans de nombreux domaines. Mais les « détachements spéciaux d’hommes armés », prisons ou autres accessoires matériels de l’Etat ne pourront disparaître complètement qu’à l’époque supérieure du communisme :

« Ce que nous appelons communisme, c’est le régime où les hommes s’habituent à remplir leurs devoirs sociaux sans appareils de contraintes spéciaux, où le travail sans rémunération pour le bien commun devient un phénomène général. » (121)

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29 mai 2023 1 29 /05 /mai /2023 10:14

Liberté, égalité, fraternité (Partie 19)

 

    1. « L’IDEOLOGIE DOMINANTE D’UNE SOCIETE EST CELLE DE LA CLASSE DOMINANTE. (111)

 

Disposant de tous les organes de l’Etat, la classe dominante peut les utiliser à son gré pour développer son idéologie au sein du peuple. Les organes d’information jouent un rôle de propagande très important, l’art et la culture ont une fonction de classe décisive ; d’autres organes, comme la justice, exercent aussi une influence capitale.

L’idéologie dominante d’une société capitaliste est l’idéologie bourgeoise. L’idéologie dominante d’une société socialiste est l’idéologie prolétarienne. En France d’aujourd’hui où domine la classe bourgeoise, on parle de justice bourgeoise, de grande presse bourgeoise, etc., qui sont avec les religions, des supports de l’idéologie bourgeoise dominante. Dans un pays socialiste il y a la justice populaire, la presse prolétarienne, etc., qui sont des supports de l’idéologie dominante du prolétariat. Art, littérature, et culture portent toujours le caractère d’une idéologie.

« Dans la société de classes, chaque homme vit en tant que membre d’une classe déterminée et il n’existe aucune pensée qui ne porte une empreinte de classe. » (112)

 

    1. L’ANALYSE DES CLASSES

 

L’analyse des classes est « une question primordiale pour la révolution » (Mao Tsetoung). Une juste analyse des classes, de la situation concrète des classes sociales d’une société est indispensable pour élaborer une stratégie et des tactiques révolutionnaires efficaces. Car cette analyse permet de déterminer à chaque étape donnée, « qui est notre ami, qui est notre ennemi » et qui peut être neutralisé au cours du processus des luttes révolutionnaires.

« Quels sont nos ennemis et quels sont nos amis ? C’est là une question d’une importance primordiale pour la révolution. Si, dans le passé, toutes les révolutions en Chine n’ont obtenu que peu de résultats, la raison essentielle en est qu’elles n’ont point réussi à unir autour d’elle leurs vrais amis pour porter des coups à leurs vrais ennemis. » (113)

L’analyse des classes n’est pas valable une fois pour toutes. Elle doit être modifiée au cours du développement de l’histoire d’un peuple car les contradictions des classes secondaires s’aiguisent ou s’atténuent par rapport aux classes fondamentales, en fonction de l’évolution de la contradiction fondamentale elle-même.

« …Dans la société capitaliste les deux forces en contradiction, le prolétariat et la bourgeoisie, forment la contradiction fondamentale ; les autres contradictions, comme par exemple la contradiction entre les restes de la classe féodale et la bourgeoisie, la contradiction entre la petite bourgeoisie paysanne et la bourgeoisie, la contradiction entre le prolétariat et la petite bourgeoisie paysanne, la contradiction entre la bourgeoisie libérale et la bourgeoisie monopoliste, la contradiction entre la démocratie et le fascisme au sein de la bourgeoisie, les contradictions entre les pays capitalistes et les contradictions entre l’impérialisme et les colonies, sont toutes déterminées par la contradiction principale ou soumises à son action. » (114)

 

  1. LUTTE DE CLASSES ET DICTATURE DU PROLETARIAT

 

Il faut étendre la reconnaissance de la lutte de classes jusqu’à la reconnaissance de la dictature du prolétariat : c’est là un critère important pour distinguer les vrais marxistes des faux marxistes et pour démasquer le révisionnisme. Aujourd’hui, les dirigeants révisionnistes se proclament toujours partisans de la « lutte de classes », mais dans l’ex-U.R.S.S. comme en France, dans la pratique, ils renient la dictature du prolétariat. Lénine a écrit dans L’Etat et la Révolution :

« Quiconque reconnaît uniquement la lutte des classes n’est pas pour autant un marxiste : il peut se faire qu’il ne sorte pas encore du cadre de la pensée bourgeoise et de la politique bourgeoise. Limiter le marxisme à la lutte des classes, c’est le tronquer, le déformer ; le réduire à ce qui est acceptable pour la bourgeoisie. Celui-là seul est marxiste qui étend la reconnaissance de la lutte des classes jusqu’à la reconnaissance de la dictature du prolétariat. C’est ce qui distingue foncièrement le marxiste du vulgaire petit (et aussi du grand) bourgeois. » (115)

 

 

 

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28 mai 2023 7 28 /05 /mai /2023 10:13

Liberté, égalité, fraternité (Partie 18)

DEUXIEME EXEMPLE : Les classes sociales en France à notre époque.

 

En France actuelle le système social est un capitalisme qui est parvenu à un stade monopolistique d’Etat, le « capitalisme monopoliste d’Etat ». En France à notre époque – époque de la bourgeoisie – la contradiction fondamentale se manifeste dans l’opposition irréductible des intérêts de classe entre le prolétariat et la bourgeoisie (« prolétariat » et « bourgeoisie » sont entendus au sens déjà précisé) :

« Notre époque – l’époque de la bourgeoisie – se distingue cependant par la simplification des antagonismes de classe. La société tout entière se divise de plus en plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes diamétralement opposées la bourgeoisie et le prolétariat. » (101)

On distingue aujourd’hui : la classe ouvrière, la bourgeoisie capitaliste, les classes et couches moyennes.

 

  1. La classe ouvrière est composée d’hommes et de femmes dépourvus de tout moyen de production. Ils ne peuvent vivre qu’en vendant leur « force de travail » aux capitalistes.

« Sous ce nom (force de travail) il faut entendre l’ensemble des facultés physiques et intellectuelles qui existent dans le corps d’un homme, dans sa personnalité vivante et qu’il doit mettre en mouvement pour produire des choses utiles.» (102)

Les ouvriers agricoles font partie intégrante de la classe ouvrière. Ils ne sont propriétaires d’aucune terre et vendent leur « force de travail » à des propriétaires fonciers ou à des fermiers.

 

L’ « aristocratie ouvrière » est une couche de la classe ouvrière. Par aristocratie ouvrière on entend la couche supérieure de la classe ouvrière, couche corrompue par de hauts salaires et ayant adopté un genre de vie et une conception du monde propre à la bourgeoisie. Ces « chefs ouvriers » jouent un rôle d’encadrement et de répression contre les ouvriers dans les usines et sur les chantiers. Pour situer cette couche il convient de distinguer la détermination de classe et la position de classe : l’aristocratie ouvrière appartient à la classe ouvrière en tant qu’elle doit vendre sa force de travail pour subsister et maintenir son niveau de vie, mais elle a une position de classe bourgeoise par son mode de vie et son idéologie.

 

  1. La bourgeoisie capitaliste est composée de propriétaires des moyens de production (Usines, machines, terres) qui achètent la « force de travail » des ouvriers pour en tirer le profit maximum.

Le propriétaire capitaliste, à notre époque, existe sous diverses catégories : bancaire, industrielle, agricole, et se présente sous diverses formes : celle des monopoles capitalistes, celle des capitalistes indépendants ou privés (ou petits et moyens capitalistes relativement aux groupes capitalistes monopolistes). La propriété capitaliste se dissimule en général sous le couvert de sociétés de capitaux dites « anonymes ».

 

  1. Entre le prolétariat et la bourgeoisie capitaliste subsistent depuis l’ancienne société féodale, où se constituent au cours du processus de développement du capitalisme d’autres classes ou couches sociales.

Ce sont les classes ou couches moyennes que certains de leurs caractères rapprochent de l’une ou de l’autre des deux classes fondamentales mais qui, vis-à-vis de l’une ou de l’autre ne jouent pas un « rôle similaire » et ne sont pas à la fois dans des « rapports identiques ». Ces classes, suivant la conjoncture concrète, ont une position de classe prolétarienne ou bourgeoise.

Ces classes et couches moyennes sont :

  • D’une part, certaines couches de travailleurs salariés comme les employés, les petits fonctionnaires et agents de services publics. Ils ne sont pas propriétaires de moyens de production, mais vendent leur force de travail. Ils ne produisent pas de marchandises mais leurs appointements sont de l’ordre des salaires des ouvriers.

  • D’autre part, les petits et moyens paysans (ce sont des couches de la paysannerie issue du système féodal). Ils peuvent être propriétaires ou locataires des terres qu’ils exploitent pour produire des marchandises. Ils produisent ces marchandises par leur propre force de travail ou en achetant la force de travail d’ouvriers agricoles en plus de la leur propre.

 

Les petits et moyens commerçants, qui ne vendent pas leur force de travail mais ne produisent pas de marchandises et ne sont pas propriétaires des moyens de production.

 

Les artisans, qui produisent des marchandises mais ne vendent pas leur force de travail et peuvent être propriétaires de leurs propres moyens de production.

 

Les professions libérales, qui ne sont pas propriétaires de moyens de production et ne vendent pas leur force de travail.

 

Les intellectuels et étudiants ne constituent pas une classe sociale mais sont à rattacher selon leurs origines et leur devenir aux différentes classes et couches sociales.

 

          1. LA LUTTE DE CLASSE, MOTEUR DE L’HISTOIRE

 

Pour le marxisme, il n’y a pas d’abord existence des différentes classes sociales, qui entrent ensuite dans la lutte de clases. Mais les classes sociales recouvrent des pratiques de classes, c’est-à-dire la lutte de classes. Les classes sociales ne sont posées que dans leur opposition : les classes sociales signifient, pour le marxisme, dans un et même mouvement, contradictions de classes et luttes de classes ; dès leur apparition les classes sociales entrent en contradiction.

Les contradictions et les luttes de classes sont ce qui détermine la vie et anime le mouvement et le développement des sociétés de classes.

C’est là l’illustration d’une loi dialectique : plus généralement, les choses changent parce qu’elles renferment une contradiction interne (elles-mêmes et leurs contraires). Les contraires sont en conflit et les changements naissent de ces conflits : les changements sont la solution de ces conflits. C’est la loi de l’unité des contraires :

« La loi de la contradiction inhérente aux choses, aux phénomènes, ou la loi de l’unité des contraires, est la loi fondamentale de la dialectique matérialiste. Lénine dit : « Au sens propre, la dialectique est l’étude de la contradiction dans l’essence même des choses… » ». (103)

Ainsi par exemple, la société capitaliste présente une contradiction interne ente la bourgeoisie et le prolétariat ; le changement dans la société capitaliste et son développement s’expliquent par ce conflit. La transformation de la société capitaliste en société socialiste est la suppression ou solution de ce conflit.

« L’universalité ou le caractère absolu de la contradiction a une double signification : la première est que les contradictions existent dans le processus de développement de toute chose et de tout phénomène ; la seconde que, dans le processus de développement de chaque chose, de chaque phénomène, le mouvement contradictoire existe du début à la fin. » (104)

Prenons le cas de la formation sociale de la France actuelle où le mode de production capitaliste est dominant. L’ancienne unité (le mode de production féodal) et les contraires qui la constituent (barons et serfs, maîtres de jurande et compagnons) ont fait place à de nouveaux contraires (bourgeoisie et prolétariat). Alors est né un nouveau processus qui succède à l’ancien. L’ancien processus s’achève et le nouveau processus surgit ; comme le nouveau processus renferme ses propres contradictions commence alors l’histoire du développement de ces nouvelles contradictions.

« La lutte de classes entre le prolétariat et la bourgeoisie passait au premier plan de l’histoire des pays avancés de l’Europe, proportionnellement au développement de la grande industrie d’une part, et de la domination politique nouvellement conquise par la bourgeoisie d’autre part. »

« La contradiction entre le Travail et le Capital est née avec l’apparition de la bourgeoisie et du prolétariat, mais elle n’est devenue aiguë que plus tard. » (105)

Et plus généralement :

« L’histoire (plus exactement l’histoire écrite) de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des clases. » (106)

 

Cependant pour bien poser le problème des classes sociales et des luttes de classes il convient de jeter un coup d’œil sur l’ensemble de l’évolution historique, sur l’histoire écrite et sur l’histoire non écrite. En traitant ainsi la question, on remarque que les classes sociales et les luttes de classes n’ont pas toujours existées. Le fait fondamental de l’évolution de l’humanité est l’apparition de cette division en classes au cours de l’histoire :

« Avant que surgît la première forme de l’exploitation de l’homme par l’homme, la première forme de la division en classes – propriétaires d’esclaves et esclaves – il y avait la famille patriarcale ou, comme on l’appelle parfois, clanale…, et des vestiges assez nets de ces époques anciennes ont subsisté dans les mœurs de maints peuples primitifs… attestant qu’il fut un temps plus ou moins semblable à un communisme primitif, où la société n’était pas divisée en propriétaires d’esclaves et esclaves. » (107)

Depuis la première division de la société en classes, les sociétés successives ont toujours été divisées en classes antagonistes. La division de la société en classes est née de la division du travail. L’apparition d’un premier mode de production : chasse et pêche, et d’un deuxième mode de production : l’élevage, donne naissance à la division entre tribus sauvages et tribus de pasteurs. C’est cette première division du travail qui est à la base de la première division de la société en classes : maîtres et esclaves.

Une deuxième division du travail va séparer les agriculteurs et les artisans de métiers. La production marchande crée une troisième division du travail et donne naissance à la classe des marchands. A ce moment-là nous avons dans la société une triple division du travail et trois classes : les agriculteurs, les artisans et les marchands. Avec l’apparition de la classe des marchands est née pour la première fois une classe qui ne participe pas à la production, et qui va dominer les deux autres classes.

Ces étapes de l’histoire de l’humanité se sont toujours succédées à la suite de révolutions violentes nées de la lutte de clases :

« Les révolutions sociales sont historiquement inévitables aux différentes étapes de l’histoire de l’humanité et se produisent en fonction de lois objectives indépendantes de la volonté de l’homme. » (108)

Les esclaves se sont affranchis de leurs propriétaires, les serfs se sont libérés de leurs maîtres, les bourgeois ont aboli les pouvoirs des seigneurs, les prolétaires ont brisé des Etats capitalistes ou dominés par l’impérialisme. Ainsi la lutte de classes est-elle le moteur de l’histoire et fait-elle progresser l’humanité comme l’ont établi, dès 1847, Marx et Engels dans le Manifeste du parti communiste :

« Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot, oppresseurs et opprimés, en opposition constante ont mené une guerre qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la destruction des deux classes en lutte. » (109)

De nos jours, la lutte de classes entre prolétariat et bourgeoisie capitaliste conduit au socialisme par la révolution prolétarienne et l’instauration de la dictature du prolétariat, c’est-à-dire à la suppression des classes sociales :

« La suppression des classes est le résultat d’une lutte de classe longue, difficile, opiniâtre, qui après le renversement du pouvoir du Capital, après la destruction de l’Etat bourgeois, après l’instauration de la dictature du prolétariat, ne disparaît pas, mais ne fait que changer de forme pour devenir plus acharnée à bien des égards. » (109)

 

Mao Tsetoung a eu le mérite de développer la théorie de la lutte de classe en saisissant cette idée juste de Lénine, suivant qui la lutte de classes persiste très longtemps après la révolution prolétarienne, ce qui justifie le maintien de la dictature du prolétariat.

 

Le révisionnisme moderne apporte la preuve de cette réalité scientifique. Une nouvelle classe bourgeoise s’est constituée et a usurpé les directions de certains partis communistes, au pouvoir ou non, ente autres en Union Soviétique et en France, ainsi que l’Etat soviétique et les Etats d’autres pays de démocratie populaire. La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne de Chine a été déclenchée par Mao Tsetoung pour écraser les tentatives similaires de la bourgeoisie en Chine. Ce ne sera qu’à l’ultime stade du communisme que disparaîtra la lutte de classes :

« Sous la direction de la classe ouvrière et du Parti communiste, nos 600 millions d’hommes, étroitement unis, se consacrent à l’œuvre grandiose de l’édification socialiste. L’unification de notre pays, l’unité de notre peuple et l’union de toutes nos nationalités sont les garanties fondamentales de la victoire certaine de notre cause. Mais cela ne signifie pas qu’il n’existe plus aucune contradiction dans notre société. Il serait naïf de le croire ; ce serait se détourner de la réalité objective. Nous sommes en présence de deux types de contradictions sociales : les contradictions entre nous et nos ennemis et les contradictions au sein du peuple. Ils sont de caractère tout à fait différent. » (110)

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26 mai 2023 5 26 /05 /mai /2023 11:20

 

Liberté, égalité, fraternité (Partie 17)

CHAPITRE I

 

 

 

CLASSES, CONTRADICTIONS DE CLASSES, LUTTES DE CLASSES

 

 

 

 

« Toutes les doctrines sur le socialisme hors classes et la politique hors classes se révèlent un vain bavardage. » Lénine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le marxisme léninisme est la science des lois de l’évolution sociale, de la révolution socialiste et de la dictature du prolétariat, la science de l’édification de la société socialiste et communiste. Le marxisme a le premier appliqué l’enseignement que comporte l’étude de l’histoire universelle, la doctrine de la lutte de classe :

« Les hommes ont toujours été et seront toujours en politique les dupes naïves des autres et d’eux-mêmes, tant qu’ils n’auront pas appris, derrière les phrases, les déclarations et les promesses morales, religieuses, politiques et sociales, à discerner les intérêts de telles ou telles classes. Les partisans des réformes et améliorations seront dupés par les défenseurs du vieux régime aussi longtemps qu’ils n’auront pas compris que toute vieille institution, si barbare et pourrie qu’elle paraisse, est soutenue par les forces de telles ou telles classes dominantes. Et pour briser la résistance de ces classes, il n’y a qu’un moyen : trouver dans la société même qui nous entoure, puis éduquer et organiser pour la lutte, les forces qui peuvent – et doivent de par leur situation sociale – devenir la force capable de balayer le vieux et de créer le nouveau. » (91)

La question de la lutte des classes est donc l’une des questions essentielles du marxisme : la théorie de la lutte de classe est le fil conducteur qui permet de saisir sous le chaos apparent de la réalité historique l’existence des lois de l’évolution des sociétés. Aussi convient-il d’abord de voir quelle est la conception marxiste de la lutte de classe.

 

    1. LES CLASSES SOCIALES

 

L’application conséquente du matérialisme dialectique à l’étude des sociétés permet l’étude scientifique de l’histoire dans toute sa diversité et avec toutes ses contradictions.

Dans toute société, les aspirations de ses membres se heurtent à celles des autres, la vie sociale est pleine de contradictions. L’histoire nous montre la lutte entre les peuples et les sociétés, ainsi que dans leur propre sein ; elle nous montre, en outre, une succession de périodes de révolution et de réaction, de paix et de guerre, de stagnation et de progrès rapide ou de décadence. Ces tendances contradictoires proviennent de l’existence des classes sociales. Qu’entend Lénine par classe sociale ?

« Seule l’étude de l’ensemble des tendances de tous les membres d’une société ou d’un groupe de sociétés permet de définir avec une précision scientifique le résultat de ces tendances. Or, les aspirations contradictoires naissent de la différence de situation et de conditions de vie des classes en lesquelles se décompose toute société. » (92)

« Par classe sociale on entend un ensemble de gens qui, dans la production jouent un rôle similaire, sont à l’égard des autres hommes dans des rapports identiques. »

Afin d’approfondir la définition donnée par Lénine, illustrons-là à l’aide de deux exemples :

  • L’analyse de la classe ouvrière ou prolétariat et de la classe de la bourgeoisie ou « bourgeoisie capitaliste » dans la société capitaliste.

  • L’analyse des classes sociales en France à notre époque.

 

PREMIER EXEMPLE :

 

Dans la société capitaliste l’ensemble des ouvriers a un « rôle similaire » de l’un à l’autre et sont « dans des rapports identiques » à l’égard des patrons ; inversement, l’ensemble des patrons a un « rôle similaire » de l’un à l’autre, et sont « dans des rapports identiques » à l’égard des ouvriers.

« Le capital suppose le travail salarié, le travail salarié suppose le capital ; ils sont les conditions l’une de l’autre et se produisent réciproquement. » (93).

Les ouvriers produisent des marchandises : c’est là leur « rôle similaire » de l’un à l’autre ; les patrons réalisent des profits en confisquant la valeur du surtravail des ouvriers : en deux ou trois heures l’ouvrier produit des richesses égales à son salaire de la journée, les six autres heures, il produit du profit pour le capital. Les patrons s’approprient le surtravail : c’est là leur « rôle similaire » quelle que soit la nature de la marchandise, industrielle ou agricole.

« (…) L’appropriation de travail non payé est la forme fondamentale du mode de production capitaliste et de l’exploitation de l’ouvrier qui en résulte ; de même lorsque le capitaliste achète la force de travail de son ouvrier à la pleine valeur qu’elle a sur le marché en tant que marchandise, il en tire pourtant plus de valeur qu’il n’en a payé pour elle ; et que cette plus-value constitue en dernière analyse, la somme de valeur d’où provient la masse de capital sans cesse croissante accumulée entre les mains des classes possédantes. » (94).

Pour survivre, les ouvriers vendent leur force de travail aux patrons, propriétaires des moyens de production (usines, machines, terre). Ainsi les ouvriers se trouvent « dans des rapports identiques » avec les patrons, des rapports d’exploités à exploiteurs. Inversement, les patrons achètent la force de travail des ouvriers devenue marchandise. Donc les patrons se trouvent « dans des rapports identiques » avec les ouvriers, des rapports d’exploiteurs à exploités.

« Le procès de production capitaliste reproduit de lui-même la séparation entre travailleur et conditions du travail. Il reproduit et éternise par cela même les conditions qui forcent l’ouvrier à se vendre pour vivre, et mettent le capitaliste en état de l’acheter pour s’enrichir. » (95)

Les ouvriers constituent une classe sociale la classe ouvrière ou prolétariat (industriel ou agricole). Les patrons constituent également une classe sociale, la classe de la bourgeoisie, appelée aussi « grande bourgeoisie » ou « bourgeoisie capitaliste » (pour éviter toute confusion avec d’autres classes et couches sociales intermédiaires.)

Dans la société capitaliste, la contradiction fondamentale est la contradiction entre les intérêts de la classe bourgeoise et les intérêts de la classe du prolétariat. Le socialisme est le produit nécessaire de la lutte des deux forces en contradiction :

« Par son contenu, le socialisme est, avant tout, le produit de la prise de conscience, d’une part, des oppositions de classes qui règnent dans la société moderne entre possédants et non possédants, salariés et bourgeois, d’autre part, de l’anarchie qui règne dans la production. » (96)

Nous avons déterminé les deux classes antagoniques de la société capitaliste (classe ouvrière et classe de la bourgeoisie) d’après leur place respective dans le procès de production, c’est-à-dire dans la sphère économique. Mais il convient d’apporter deux précisions.

 

Le matérialisme historique considère que la structure économique d’une société constitue à chaque période historique la base réelle qui lui permet, en dernière analyse, d’expliquer toute la superstructure des institutions juridiques et politiques, aussi bien que des idées religieuses, philosophiques et autres de chaque période historique.

Cependant, s’il y a action de l’infrastructure (l’économique) sur la superstructure (le politique et l’idéologie), il y a en contrepartie effet (réaction) de la superstructure sur l’infrastructure. Et si l’infrastructure joue le rôle déterminant dans un mode de production et dans une formation sociale, le rôle dominant peut être joué soit par l’infrastructure, soit par la superstructure.

Par exemple le politique joue le rôle dominant dans l’empire romain et les idées religieuses au moyen âge ; c’est l’économique qui joue un rôle dominant dans la société capitaliste de libre concurrence : ici, l’intervention de l’Etat, le politique et l’idéologie jouent un rôle secondaire. Ceci signifie que la superstructure peut à certaines périodes historiques jouer le rôle principal :

« Certes, les forces productives, la pratique et la base économique jouent en général le rôle principal, décisif, et quiconque le nie n’est pas un matérialiste ; mais il faut reconnaître que dans des conditions déterminées, les rapports de production, la théorie et la superstructure peuvent, à leur tour, jouer le rôle principal, décisif. Lorsque, faute de modification dans les rapports de production, les forces productives ne peuvent ^plus se développer, la modification des rapports de production joue le rôle principal, décisif…Lorsque la superstructure (politique, culture, etc.), entrave le développement de la base économique, les transformations politiques et culturelles deviennent la chose principale, décisive. » (97)

Ainsi, la classe sociale peut être déterminée principalement, mais pas exclusivement, par sa place dans le procès de production, c’est-à-dire dans la sphère économique. Car il ne faut pas déduire du rôle principal de l’économique en général que ce critère soit suffisant pour la détermination d’une classe sociale. Déterminer une classe sociale uniquement par sa place dans la sphère économique n’est qu’une partie de la vérité. La détermination de la nature intégrale de la clase sociale doit tenir compte du rôle du politique et de l’idéologie, ainsi que du type de rapport qu’entretiennent la superstructure (politique, culture, etc.) et l’infrastructure (la base économique) car :

« Le capital ce n’est pas une somme d’argent, ce sont des rapports sociaux déterminés. » (98)

 

Une seconde précision à apporter est le fait que la place des différentes classes sociales peut être « fixée et consacrée » par les lois, mais il ne s’agit là que d’une possibilité. S’il existe un « rapport juridique » aux moyens de production, celui-ci n’entre pas dans la définition même des classes sociales : ainsi par exemple, le droit bourgeois fixe, consacre, légalise et défend le fait de la propriété privée des moyens de production, mais ce droit dérive de l’état de fait.

« L’idée que les idées et représentations des hommes créeraient leurs conditions de vie et non inversement, est démentie par toute l’histoire passée, dans laquelle on a constamment abouti à autre chose que ce qu’on voulait, et même la plupart du temps dans la suite du développement, on a abouti au contraire. (…) Cela est valable aussi pour les idées juridiques, donc pour la politique. » (99)

Ainsi par exemple, la propriété collective des moyens de production dans le communisme primitif devient la propriété privée des moyens de production dans la société de classes ; le marxisme montre que la propriété privée des moyens de production doit se transformer de façon inéluctable en la propriété collective et sociale des moyens de production au stade communiste. Ce développement est une loi de l’histoire, et il est indépendant de la volonté des hommes.

Il est donc complètement faux de vouloir réduire les rapports de production à de simples rapports juridiques. On ne peut instaurer de nouveaux rapports sociaux par des lois, tout comme il est vain de vouloir introduire un nouveau mode de production (« socialiste » ou autre) par un plan ou par un décret.

 

Lénine donne une définition des classes sociales qui prend en considération ces deux précisions apportées à la première définition :

« On appelle classes de vastes groupes d’hommes qui se distinguent par la place qu’ils occupent dans un système historiquement défini de production sociale, par leur rapport (la plupart du temps fixé et consacré par les lois) vis-à-vis des moyens de production, par leur rôle dans l’organisation sociale du travail donc, par les modes d’obtention et l’importance des richesses sociales dont ils disposent. Les classes sont des groupes d’hommes dont l’un peut s’approprier le travail de l’autre, à cause de la place différente qu’il occupe dans une structure déterminée, l’économie sociale. » (100)

 

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25 mai 2023 4 25 /05 /mai /2023 10:13

Liberté, égalité, fraternité (Partie 16)

 

 

DEUXIEME PARTIE

 

 

 

LENINE ET STALINE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

INTRODUCTION

 

Le problème du pouvoir politique est un problème fort important pour la théorie marxiste-léniniste de la révolution. Les tâches du prolétariat révolutionnaire organisé en parti marxiste-léniniste, consistent à renverser la bourgeoisie et à instaurer le socialisme grâce à la dictature du prolétariat. C’est ici que se manifeste de façon très aiguë la lutte entre les deux voies d’édification du socialisme, la lutte entre la théorie opportuniste, et la théorie marxiste-léniniste. La théorie marxiste-léniniste prend forme et se développe au cours même de la lutte contre la théorie idéaliste de l’opportunisme et du révisionnisme

 

  1. LENINE ET LE REVISIONNISME :

 

La Deuxième Internationale est fondée à Paris en 1889 : elle règne dans le mouvement ouvrier sans rencontrer d’opposition sérieuse. Les partis sociaux-démocrates y sont affiliés. Commence alors une nouvelle période en Europe, qui va de 1872 à 1904, et qui est caractérisée par une accalmie, après la période antérieure, traversée par de nombreuses révolutions (entre autres, en France, la Révolution de 1848, et la Commune de Paris de 1871).

Cette nouvelle période se caractérise par un développement « pacifique » du capitalisme à l’intérieur des pays « civilisés ». Cette période relativement calme eut pour conséquence le reflux du mouvement révolutionnaire. Cette période est celle de la transformation du capitalisme de concurrence en capitalisme de monopoles. Avec la fin du XIX° siècle apparut définitivement le stade de l’impérialisme : « La majorité des populations des nations du globe (étant dominée) à la faveur d’un capitalisme hautement développé et plus que mûr. ».

A l’extérieur de l’Europe se développent pendant cette période les guerres pour les conquêtes de colonies en Afrique, en Asie, dans le monde entier. Les rivalités entre les impérialistes acheminent l’Europe et le monde vers la guerre de 1914-1918. Celle-ci voit l’éclatement de la Deuxième Internationale, chacune des sections nationales ayant apporté son soutien à sa propre bourgeoisie impérialiste. La Deuxième Internationale était devenue complètement opportuniste et social chauvine. Qu’est-ce que l’opportunisme ? Lénine en définit ainsi la genèse :

« La dialectique de l’histoire est telle que la victoire du marxisme en matière de théorie oblige ses ennemis à se déguiser en marxistes. Le libéralisme, pourri à l’intérieur, tente de reprendre vie sous la forme de l’opportunisme socialiste. La période de préparation des forces pour les grandes batailles, ils l’interprètent comme une renonciation à ces batailles. L’amélioration de la condition des esclaves en vue de la lutte contre l’esclavage salarié se fait, selon eux, au prix de l’abandon, pour un sou, par les esclaves, de leur droit à la liberté. Ils prêchent lâchement la « paix sociale » (c’est-à-dire la paix avec l’esclavagisme), la renonciation à la lutte des classes, etc. Ils ont de nombreux partisans parmi les parlementaires socialistes, les différents fonctionnaires du mouvement ouvrier et les intellectuels « sympathisants ». » (87)

Dans ce texte tiré de l’œuvre de Lénine : Les destinées historiques de la doctrine de Karl Marx est parfaitement résumée l’essence de l’opportunisme qui prend racine dans l’impérialisme.

 

LA DEUXIEME INTERNATIONALE :

 

Les opportunistes prêchaient ouvertement l’abandon de la lutte révolutionnaire, la théorie de l’ « intégration du capitalisme dans le socialisme ». Les partis de la Deuxième Internationale étaient atteints d’opportunisme dès avant la guerre de 1914-1918. La Deuxième Internationale se refusait à combattre l’opportunisme ; elle était pour faire la paix avec lui et le laissait se fortifier. En pratiquant une politique de conciliation avec l’opportunisme, la Deuxième Internationale était devenue elle-même opportuniste.

L’origine de l’opportunisme est, comme le démontre Lénine dans son ouvrage L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, le développement de l’impérialisme même. Quelle est sa base sociale ?

Avec les profits qu’elle tirait de ses colonies, la bourgeoisie impérialiste des pays avancés achetait systématiquement, grâce à des salaires élevés et autres aumônes, les couches supérieures des ouvriers qualifiés, l’aristocratie ouvrière comme on les appelait.

C’est de cette catégorie d’ouvriers qu’étaient sortis de nombreux dirigeants des syndicats et des coopératives, des conseillers municipaux et parlementaires, des employés de la presse et des organisations social-démocrates. Au moment de la guerre de 1914-1918, ces gens ont eu peur de perdre leur situation, et sont devenus adversaires de la révolution, et les défenseurs les plus enragés de leur bourgeoisie, de leurs gouvernements impérialistes.

Comment ce révisionnisme se manifestait-il dans le domaine de la conception du pouvoir politique et du parti du prolétariat ? Les partis sociaux-démocrates étaient socialistes en paroles, mais impérialistes en fait : ils étaient sociaux chauvins. Ils défendaient leur bourgeoisie impérialiste. Ils trahissaient ainsi la conception marxiste du parti internationaliste.

Les partis sociaux-démocrates n’incitaient pas les masses à la révolution, mais s’appliquaient seulement à suivre leurs aspirations spontanées et proposaient avant tout des réformes pour satisfaire leurs revendications. Ils trahissaient ainsi la conception marxiste du parti ayant pour but le renversement de la bourgeoisie, c’est-à-dire la révolution et la prise du pouvoir.

Les partis sociaux-démocrates avaient une composition sociale essentiellement petite bourgeoise. Peu de leurs dirigeants venaient de la classe ouvrière, et, quand tel était le cas, il s’agissait d’éléments corrompus déjà achetés par la bourgeoisie. Ils trahissaient ainsi la conception marxiste du parti constitué par l’avant-garde du prolétariat.

Les chefs des partis sociaux démocrates (Edouard Bernstein, Karl Kautsky, Jules Guesde, Jean Jaurès, …) accordaient au parlementarisme l’essentiel de leurs efforts. Pour justifier leur pratique, ils avançaient toute sorte de justifications allant à l’encontre des principes formulés antérieurement par Marx et Engels. Ils trahissaient ainsi la conception marxiste du parti porteur de la théorie révolutionnaire.

Ce révisionnisme ancien, anti-marxiste, se manifestait aussi dans le domaine de l’organisation et dans le style des partis sociaux-démocrates. Ainsi, la discipline organisée et librement consentie que préconisent Marx et Engels, dans le but de consolider chaque parti et de renforcer son efficacité, au service du prolétariat, fut complètement abandonnée :

« Du socialisme, Kautsky prend ce qui est recevable pour les libéraux, pour la bourgeoisie (critique du moyen âge, rôle historiquement progressif du capitalisme en général et de la démocratie capitaliste en particulier) ; il rejette, il passe sous silence, il estompe ce qui dans le marxisme est irrecevable pour la bourgeoisie (violence révolutionnaire du prolétariat contre la bourgeoisie, pour l’anéantissement de cette dernière). Voilà pourquoi, par sa position objective et quelles que puissent être ses conceptions subjectives, Kautsky s’avère inévitablement un laquais de la bourgeoisie. » (88)

 

LENINE

 

La faillite de la Deuxième Internationale, et la trahison du prolétariat par les partis sociaux-démocrates, phénomène négatif, entraîne dialectiquement l’apparition de son contraire, le phénomène positif de la fidélité absolue de Lénine et, sous sa direction, du parti ouvrier social-démocrate de Russie, au marxisme. Le léninisme est à la fois la sauvegarde et le prolongement des principes de Marx et Engels, leur enrichissement.

Si on comprend à quel point les courants révisionnistes de Bernstein et de Kautsky avaient révisé le marxisme, l’on apprécie comme Lénine l’a sauvegardé. Il convient d’apprécier à la fois cette sauvegarde et cet enrichissement du marxisme, devenu marxisme-léninisme, en ce qui concerne le problème fondamental du pouvoir politique et du parti marxiste-léniniste.

 

  1. LE MARXISME-LENINISME ET LE REVISIONNISME MODERNE :

 

Cependant le léninisme a aussi été révisé de nos jours : nous allons voir pourquoi et comment. Mais d’abord, considérons de quel point de vue nous allons analyser le problème du pouvoir politique chez Lénine. Si le léninisme a été révisé, c’est-à-dire vidé de son contenu révolutionnaire et remplacé par un contenu bourgeois, de quel point de vue allons-nous nous placer pour traiter du léninisme ?

Pour rester fidèle au léninisme, et ne pas se placer du point de vue de ceux qui l’ont révisé, il faut se placer du point de vue des intérêts du prolétariat révolutionnaire, donc du point de vue du parti du prolétariat et de la perspective de la révolution prolétarienne en France. Mao Tsé-toung a écrit : « La vérité, c’est la pratique ». Ceci permet d’échapper, à deux défauts : le dogmatisme et le sectarisme, car : « Il ne saurait y avoir de dogmatisme là où le critère suprême et unique de la doctrine est dans sa correspondance avec le processus réel du développement économique et social ; il ne saurait y avoir de sectarisme quand il s’agit de contribuer à l’organisation du prolétariat, et que, par suite, le rôle des « intellectuels » consiste à rendre inutile l’existence de dirigeants spécialisés, intellectuels. » (89)

 

LE REVISIONNISME MODERNE :

 

Dans Marxisme et Révisionnisme Lénine dit que « La doctrine (de Marx) a dû conquérir de haute lutte chaque pas fait sur le chemin de la vie. »

En effet, au sein du mouvement ouvrier depuis ses débuts, l’idéologie prolétarienne s’est constituée et développée dans la lutte contre les théories opportunistes issues de l’idéologie bourgeoise.

Marx et Engels ont lutté toute leur vie contre le proudhonisme (Proudhon), le bakouninisme (Bakounine), le blanquisme (Blanqui) et d’autres idéologies bourgeoises. Lénine a lutté toute sa vie contre le populisme, le « marxisme légal », le menchevisme toutes les variantes de l’économisme, et autres idéologies bourgeoises. Continuant l’œuvre de Lénine, Staline dirigea la lutte du parti communiste (bolchevick) de l’U.R.S.S. contre les traîtres boukhariniens (Boukharine), zinoviéviste (Zinoviev), et autres trotskistes (Trotski) puis contre le révisionnisme de Tito.

Après la seconde guerre mondiale, le capitalisme monopoliste d’Etat connaît une période de développement plus ou moins « pacifique » dans les pays capitalistes avancés. L’impérialisme entreprend une offensive générale contre les peuples (par exemple au Vietnam), contre les pays socialistes et contre les partis communistes. Cette offensive de l’impérialisme rencontra un terrain propice chez certains membres des partis communistes plus enclins, après la terrible lutte de la seconde guerre mondiale, à chercher des voies plus « faciles » pour la victoire de la révolution (Togliatti en Italie, Thorez en France). L’ensemble de ces phénomènes aviva la lutte entre la voie bourgeoise et la voie prolétarienne dans les partis communistes. Le révisionnisme moderne se manifesta d’abord dans la Ligue des communistes de Yougoslavie avec la victoire de Tito. Puis le révisionnisme moderne, avec Krouchtchev à sa tête, s’empara du pouvoir dans le parti communiste (bolchevick) de l’U.R.S.S. et dans d’autres partis. Krouchtchev inaugura (dans son rapport au XX° congrès de l’U.R.S.S.) deux thèses révisionnistes d’importance mondiale pour le développement de la révolution :

  1. La guerre n’est plus inévitable (« coexistence pacifique » avec l’impérialisme) ;

  2. Le « passage pacifique » au socialisme est possible dans de nombreux pays capitalistes.

 

LE MARXISME-LENINISME :

 

Le mouvement communiste international s’est scindé en deux parties antagonistes :

  • D’une part, l’U.R.S.S., et les pays de l’Est, et leur parti communiste respectif, se sont transformés provisoirement en pays capitalistes, ainsi que les partis communistes de différents pays se sont transformés en « partis ouvriers » bourgeois, tels le parti « communiste » français, ou le parti « communiste » italien…

Qu’est-ce qui distingue le révisionnisme moderne du révisionnisme ancien ? Quelle est la spécificité du révisionnisme moderne ?

Fiqret Shehu écrit en 1971 : « 1) La caractéristique essentielle qui distingue le révisionnisme actuel de l’ancien révisionnisme, bernsteinien, consiste en ce fait qu’il n’est pas seulement un courant idéologique opportuniste hostile au marxisme dans le mouvement communiste, mais également un révisionnisme au pouvoir, qui a atteint de nombreux pays et, au premier chef, l’Union Soviétique, naguère le premier et le plus puissant Etat socialiste dans le monde. (…)

En d’autres termes, dans le domaine idéologique, le révisionnisme est le produit de l’appréciation subjective des changements qui interviennent dans la réalité, du traitement subjectif des principes fondamentaux et des lois générales du marxisme-léninisme, du reniement subjectif de la dialectique matérialiste et des conclusions révolutionnaires.

  1. Le révisionnisme actuel se distingue aussi de l’ancien par sa base socio-économique (…). Dans les pays capitalistes, aux côtés de l’aristocratie ouvrière, la bureaucratie ouvrière, qui, dans les conditions actuelles a considérablement grandi, est devenue, elle aussi, une base pour le révisionnisme. » (90)

  • D’autre part, le parti du travail d’Albanie et le parti communiste chinois, ainsi que d’autres partis marxistes-léninistes, mènent une lutte acharnée à l’intérieur et à l’extérieur contre la ligne bourgeoise sous toutes ses formes. Aussi, la pensée de Mao Tsétoung présente la sauvegarde et l’enrichissement le plus essentiel du marxisme-léninisme face à la bourgeoisie impérialiste déclarée et à la bourgeoisie masquée que sont les révisionnistes modernes. L’un des enseignements essentiels de notre époque est que le prolétariat révolutionnaire doit mener une lutte acharnée contre l’ennemi mortel qu’est le révisionnisme moderne.

Pour bien traiter le problème du concept de pouvoir politique chez Lénine, il faut tracer une ligne de démarcation bien nette entre le marxisme-léninisme et les révisionnistes de toute farine ; ces derniers ont édulcoré le marxisme-léninisme, l’ont vidé de sa substance, et lui ont substitué son contraire, l’idéologie bourgeoise : ils cherchent à se faire passer pour d’authentiques marxistes aux yeux de tout le monde à l’aide d’une phraséologie soi-disant « marxiste », et par là ils cherchent à masquer le fait qu’ils soient entièrement gagnés à la défense des intérêts de la bourgeoisie.

Donc pour bien traiter le problème du pouvoir politique chez Lénine, sans dénaturer le marxisme-léninisme, mais en lui restant fidèle, il convient de partir du point de vue de prolétariat révolutionnaire, et de la situation concrète en France.

 

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24 mai 2023 3 24 /05 /mai /2023 09:32

 

Liberté, égalité, fraternité (Partie 15)

 

 

  1. Le socialisme conservateur ou bourgeois :

Le capitalisme présente de nombreux défauts, des contradictions internes, et une fraction éclairée de la bourgeoisie en est consciente : aussi cette fraction cherche-t-elle à apporter des remèdes à ces défauts, à amoindrir ces contradictions. Le but de ces bourgeois est d’aménager le capitalisme, en vue de le renforcer, et non de le détruire. Leur désir est de débarrasser la société de la lutte des classes, afin d’avoir un capitalisme avec des bourgeois et sans prolétaires, ce qui est impossible, car : « La bourgeoisie comme de juste, se représente le monde où elle domine comme le meilleur des mondes. » (84).

Ce socialisme bourgeois vise à maintenir et à renforcer ce qui existe, à empêcher la révolution prolétarienne, et l’un des moyens utilisés est de cantonner les luttes ouvrières dans le domaine économique, dans la vie matérielle. Le but est de « diminuer pour la bourgeoisie les frais de sa domination et simplifier le budget de l’Etat. » (85).

 

  1. Le socialisme et le communisme critico-utopiques :

Ces doctrines correspondent à l’expression première des instincts du prolétariat, encore à l’état embryonnaire et non encore constitué en classe sociale et en partis politiques.

Lorsque apparaissent ces écrits, les conditions matérielles de l’émancipation du prolétariat sont absentes, et quand ces conditions apparaissent, ces doctrines deviennent rétrogrades, réactionnaires, et se caractérisent par l’ « ascétisme universel » et par « un égalitarisme grossier ».Certains de ces auteurs, comme Saint-Simon (83), Fourier (20), Owen (17) voient la lutte de classe, mais manquent de confiance dans le prolétariat.

Pour changer la réalité sociale, ils rédigent un plan de la Cité idéale, et l’adressent aux dirigeants de la société. Ils réalisent aussi parfois des micros expériences

. C’est pourquoi ce sont des utopistes, car ils ne cherchent pas dans la réalité elle-même les forces et les moyens permettant de la transformer.

 

  1. Les communistes :

A l’égard des différents partis de l’opposition réelle au capitalisme, ou des partis qui se présentent comme opposant, les communistes exercent une analyse de classe, et une analyse de la situation concrète. Chaque parti représente les intérêts d’une classe ou de couches sociales. Et les communismes adaptent leur tactique à l’égard des partis d’opposition en tenant compte de la réalité de chaque pays, selon l’étape dans laquelle se trouve ce pays : par exemple, en Allemagne, ce qui est à l’ordre du jour en 1847, c’est la révolution bourgeoise, contre le féodalisme, et les communistes n’hésitent pas à soutenir la bourgeoisie, chaque fois que celle-ci fait progresser cet objectif. Mais en même temps, le parti communiste conserve son autonomie : il développe en direction des ouvriers un travail autonome, les organise, les rend conscient de la contradiction antagonique entre bourgeoisie et prolétariat en vue de préparer l’étape ultérieure, la révolution prolétarienne. Les communistes « combattent pour les intérêts et les buts immédiats de la classe ouvrière ; mais dans le mouvement présent, ils défendent et représentent en même temps l’avenir du mouvement. » (86). C’est une leçon contre le sectarisme :

    • Les communistes soutiennent tout ce qui va contre la bourgeoisie, tout ce qui va vers la destruction du capitalisme ;

    • La question fondamentale du mouvement, c’est la question de la propriété ;

    • Les communistes sont internationalistes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE VI

 

 

 

EN GUISE DE CONCLUSION

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Manifeste du parti communiste nous interpelle par son extraordinaire actualité. Sans doute, depuis 1847, le monde a changé, et bien changé ! Mais le capitalisme est toujours présent : il s’est même renforcé et étendu au monde entier.

Aujourd’hui un grand nombre de spécialistes et d’experts en tout genre tentent de démontrer que la classe ouvrière n’est plus ce qu’elle était, qu’elle a peut-être même disparue, engloutie sous l’amas des richesses produites, et donc Marx et Engels se seraient trompés dans leur analyse. Mais n’avaient-ils pas constaté que le capitalisme permettait un développement des richesses comme aucun mode de production comme auparavant ?

Les idéologues de la bourgeoisie affirment que les conditions sociales d’aujourd’hui diffèrent de celles qui existaient en 1789 en France, en 1917 en Russie et en 1949 en Chine, et ils en concluent péremptoirement que l’époque des révolutions est à jamais révolue, et en particulier, que la révolution prolétarienne n’est plus à l’ordre du jour.

La réalité s’est transformée depuis : c’est là une constatation banale. Mais la conclusion que nous tirons de notre expérience sociale est radicalement inverse : l’exploitation de l’homme par l’homme existe toujours, et s’est même amplifiée sous de nouvelles formes. Aussi, c’est la révolution prolétarienne qu’il convient de préparer activement, dans les conditions françaises du début du XXI° siècle, et c’est cela qui donne un sens à la vie d’un communiste d’aujourd’hui.

Sans doute, le capitalisme a apporté un semblant de richesses matérielles, encore faut-il constater que ce n’est qu’une infime partie de la population, située surtout dans les pays développés et impérialistes, qui profitent de ces privilèges ! La répartition des biens est par trop inégale, et cette inégalité est ressentie de façon tout à fait injuste. Si, dans certaines régions capitalistes du monde on ne meurt plus de faim, il n’empêche que s’y développe en même temps que la richesse, une exploitation accrue des ouvriers, paysans et employés, sous des formes insidieuses, d’autant plus cruellement ressentie à l’époque des crises cycliques qui frappent tout le système, comme celle qui a commencé en 1974 et dure encore. Et quelle est la pire des misères, si ce n’est celle d’être privé d’emploi, mis au chômage, au milieu de l’amoncellement d’objets de consommation, de se sentir inutile socialement, de trop, et dans l’impossibilité d’accéder à une société où règne la consommation à tout prix, chaque individu pouvant potentiellement être victime de cette « maladie » de la croissance.

Et encore, à quel prix, certains pays connaissent-ils une abondance tout à fait relative ? C’est au prix d’une exploitation effrénée de régions entières du globe : si dans les pays riches, capitalistes ou dits socialistes, on peut voir les ventres ballottés des bourgeois bien pendants et des aristocrates ouvriers gonflés par le trop plein de bouffe, c’est parce que dans les pays pauvres et colonisés, des millions d’enfants ont le ventre gonflé par le manque de nourriture et meurent de faim. Si les uns engrossent, se gavent de viande plusieurs fois par jour, alimentent le bétail à l’aide de kilos de céréales, et meurent d’obésité, c’est parce qu’à l’autre bout de la chaîne alimentaire, des millions d’habitants de la planète manquent cruellement de ces mêmes céréales.

Plus qu’au XIX° siècle, la rapine impérialiste de zones entières est organisée rationnellement, avec la bénédiction de tous les profiteurs bourgeois, au nom de la « civilisation », de la « liberté », ou du pseudo-« socialisme ». Pour préserver leurs intérêts, et réaliser un nouveau partage des sphères d’influence correspondant aux nouveaux rapports de force, les bourgeoisies mondiales, dans les pays développés surtout, ont déclenché deux guerres mondiales au XX° siècle. Depuis 1945, le monde n’a jamais connu un seul jour de tranquillité et de paix : toujours quelque part, le canon a tonné, dans des guerres locales, comme en Corée et au Vietnam.

Aussi, depuis 1847, rien n’est réglé. Les principales thèses du Manifeste du parti communiste demeurent à l’ordre du jour. Le capitalisme est toujours là : il a atteint son apogée, puis le stade pourrissant. Seule la révolution prolétarienne pourra régler les contradictions insolubles dans le cadre du capitalisme. Le monde est gros d’une nouvelle étape, le communisme, qui le débarrassera à jamais de l’exploitation de l’homme par l’homme, et les bâtisseurs de ce nouveau monde sous un nouveau ciel seront les exploités des pays pauvres du tiers monde et des pays riches.

Mais certains nouveaux philosophes, voulant discréditer le communisme, affirment que le remède est pire que le mal. Selon eux, l’application du marxisme mène au despotisme à l’intérieur d’un pays et à l’impérialisme à l’extérieur. Ils s’appuient sur l’exemple du devenir de l’ex-URSS. Effectivement, les Russes ont réalisé la révolution prolétarienne d’Octobre 1917, et leur pays s’est transformé aujourd’hui en un pays capitaliste et impérialiste.

Que vaut la démonstration ?

Les cris hystériques de ces nouveaux penseurs de la bourgeoisie ressemblent à s’y méprendre aux criailleries des émigrés de la noblesse française, qui, après 1789, pestaient contre la violence révolutionnaire du tiers-état, et contre la dictature qu’exerçait la bourgeoisie sur l’ensemble de la société. Le couronnement de Napoléon I°, la restauration de Louis XVIII, sont-ce là des arguments contre la révolution française de 1789 ? Les principes de 1789 renfermaient-ils en eux-mêmes la restauration de la monarchie comme une conséquence inéluctable ? La restauration permet-elle d’affirmer que la réalisation de la révolution bourgeoise de 1789 était inutile ? Bien sûr que non, ou c’est ne rien comprendre à l’histoire : la révolution française était indispensable.

Puis il y eut un rapport de force, national et mondial, momentanément défavorable à la bourgeoisie, qui l’a obligée à un repli ; mais la conception bourgeoise du monde n’a jamais cessé de progresser au cours du XIX° siècle. Qu’en reste-il des criailleries impuissantes de la noblesse, un siècle après 1789 ? N’est-ce pas les idées de 1789 qui ont finalement triomphé, et la noblesse n’est-elle pas rayée de la surface de la France ?

Ainsi, au niveau de l’histoire, le temps a une autre dimension qu’au niveau de la vie individuelle. Le « retour en arrière » de l’ex-URSS, vers une forme de barbarie souvent pire que ce qu’offre le capitalisme classique, est un phénomène sans doute inévitable, dont les causes, nationales et internationales, restent à analyser, mais un phénomène passager : il n’empêche que les idées des bolchevicks de 1917 demeurent valables universellement et représentent l’avenir du monde.

Ce qui est plus à craindre, c’est que la révolution prolétarienne, que nous appelons de tous nos vœux, tarde trop. On raconte que, lors de la Terreur, Babeuf fut effrayé par la violence révolutionnaire en voyant les nobles têtes accrochées aux piques populaires : cette violence était au moins aussi grande que la sauvagerie exercée pendant des années par les classes exploiteuses à l’encontre du peuple, et qui n’avait jamais pu s’extérioriser.

Biens nantis, vous pouvez avec raison craindre la haine emmagasinée par les affamés et les opprimés ! Elle court, elle court, la violence cachée, et rien, ni vos prisons, ni vos frontières, ni vos camps de concentration, ni vos hôpitaux psychiatriques ne pourront l’empêcher de s’exprimer. Elle est suspendue au-dessus de votre société d’exploiteurs et d’oppresseurs, telle une épée de Damoclès, prête à la faire voler en éclat, et ceci avec d’autant plus de vigueur que vous aurez contenu longtemps cette violence.

 

 

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23 mai 2023 2 23 /05 /mai /2023 10:00

Liberté, égalité, fraternité (Partie 14)

 

 

CHAPITRE V

 

 

 

« LITTERATURE SOCIALISTE ET COMMUNISTE »

 

 

Ce troisième chapitre du Manifeste a pour objectif de situer le projet de Marx et Engels par rapport à tous ceux qui se réclament des idées communistes ou socialistes. L’intérêt de ce chapitre demeure purement historique car évidemment la chronologie s’arrête en 1847.

Toutes sortes de personnes et de publications se réclament de l’idéologie « socialiste » ou « communiste » : que faut-il en penser ?

En somme, le fait que chacun se donne le titre de « socialiste » signifie que c’est là une doctrine d’avenir, et que le mouvement ouvrier porteur de celle-ci constitue une force montante. Au XIX° siècle, les principales classes sociales sont : la bourgeoisie, le prolétariat, la petite bourgeoisie et l’aristocratie. Que sont les différentes doctrines socialistes ? Lorsque l’aristocratie se réclame du socialisme, cela donne le socialisme féodal, qui est une critique de la domination bourgeoise, qui vise non à l’instauration d’une société socialiste, mais un retour à l’ancien régime. Le socialisme petit bourgeois reflète également les intérêts de la petite bourgeoisie : son idéal est une société de la petite production. Les bourgeois se réclamant du socialisme veulent empêcher l’instauration d’un socialisme réel et la révolution prolétarienne : en général, ce sont des réformistes. Enfin, dans son enfance, le prolétariat développe un socialisme utopique, imaginaire, instinctif, qui est abandonné au profit du socialisme scientifique quand le prolétariat accède à l’âge adulte.

 

  1. Le socialisme réactionnaire :

Dans la société du milieu du XIX° siècle, des individus, eux-mêmes étrangers à la classe ouvrière et aux intérêts de celle-ci, se réclament du socialisme. Quels buts poursuivent-ils en réalité ?

Depuis un certain temps déjà – 1789 en France – la bourgeoisie est la classe maîtresse de la société. Elle possède l’essentiel des moyens de production importants, et exploite les travailleurs, ainsi que les autres classes sociales (paysans, artisans, classes moyennes).L’ancienne classe dominante (la noblesse, les féodaux) aspire à retrouver ses anciens privilèges. Mais c’est une classe dépossédée du pouvoir politique, qui ne détient aucune puissance économique réelle dans la nouvelle organisation sociale. Aussi, pour parvenir à ses fins, elle a tendance à rechercher l’appui de la classe ouvrière (et même à mettre celle-ci sous sa direction) encore peu développée, peu consciente de ses propres intérêts de classe, ceci afin d’arracher des acquis à la bourgeoisie. Les féodaux désirent un retour en arrière, au temps béni de leurs privilèges : leur ennemi, c’est la bourgeoisie. La bourgeoisie a un autre ennemi, en plein essor, c’est le prolétariat. Or, comme les ennemis de mes ennemis sont mes amis, les féodaux recherchent des alliés du côté du prolétariat, en vue de la Restauration de l’ancien régime. Aussi, ils font semblant d’oublier leurs propres intérêts et se présentent comme le porte-parole des intérêts des classes laborieuses.

Les féodaux font alors, sous le nom de « socialisme », une critique, parfois pertinente du capitalisme, mais cette critique ne vise pas à supprimer le capitalisme pour le remplacer par une société supérieure, le communisme, mais bien à faire revenir l’histoire en arrière, à réinstaurer le féodalisme. Ils manquent tout à fait du sens de l’histoire et ne se rendent pas compte que c’est justement le féodalisme qui a créé les conditions permettant la naissance et l’essor du capitalisme, de la bourgeoisie et du prolétariat. Ils oublient que, étant donné le développement économique et social, ce retour au féodalisme est tout à fait impossible, et quand enfin ils réalisent cela, bien vite, ils s’intègrent dans la nouvelle société, deviennent de bons bourgeois, et des ennemis du prolétariat révolutionnaire.

En prétextant des nombreux méfaits du capitalisme, les féodaux veulent un retour en arrière, alors que le capitalisme constitue un immense progrès par rapport au système féodal à tous les niveaux. Les féodaux de cet acabit ressemblent beaucoup aux idéologues bourgeois actuels qui, prétextant les erreurs commises dans les pays socialistes ou les retours en arrière (restauration du capitalisme dans les pays de l’ex- URSS, sous la forme d’un capitalisme monopoliste bureaucratique), affirment que le système capitaliste vaut mieux que le socialisme.

Ainsi, dans les sociétés française et anglaise du début du XIX° siècle existent, à côté du prolétariat et de la bourgeoisie, d’autres classes sociales, en particulier les restes de la noblesse ; celle-ci aspire à revenir à l’ancien régime, mais ne disposant d’aucune force matérielle, elle se tourne vers le prolétariat, et emploie un langage trompeur, « socialiste ». C’est le cas du littérateur Lamennais (80).

Entre la bourgeoisie et le prolétariat existe également la petite bourgeoisie (petits paysans, artisans), classes et couches intermédiaires dont sont issus les bourgeois et les prolétaires, classes et couches sociales instables, condamnées à disparaître à plus ou moins longue échéance, destinées soit à l’embourgeoisement, soit à la prolétarisation, du fait de la concurrence. Mais si ces classes moyennes ne représentent pas l’avenir, par contre, présentement, à l’heure à laquelle écrivent Marx et Engels, elles représentent encore une masse importante de la société, en particulier en France (plus de la moitié de la population totale). Aussi il est évident que les manières de voir de cette catégorie sociale influent sur les penseurs socialistes, tel que Sismondi (81).

Le socialisme petit bourgeois présente une critique de la société bourgeoise, qui met en lumière les contradictions dont souffre le système capitaliste : c’est l’aspect négatif, destructeur de la doctrine. Par contre, l’aspect positif, constructeur de la doctrine du socialisme petit bourgeois est réactionnaire : le petit bourgeois voit le monde à sa manière. Pour lui, l’idéal social, c’est une société où règne la petite propriété : chacun est propriétaire de sa terre, de sa maison, de sa boutique. C’est un monde de petits producteurs. Ce que veulent concrètement les petits bourgeois, c’est un retour en arrière, à l’étape « idyllique » du moyen âge. Leur plan de société est utopique. Par rapport à cette conception, la société bourgeoise telle qu’elle existe, centralisant les moyens de production, constitue un progrès. En somme, les petits bourgeois développent une conception du monde qui correspond à leurs conditions d’existence. Mais sans cesse ces conditions d’existence sont remises en cause par la société bourgeoise et par le développement historique. Aussi, cette conception du monde, limitée et étroite, ne correspond pas au sens de l’histoire.

A côté du socialisme féodal et du socialisme petit bourgeois, il existe une troisième forme de socialisme réactionnaire : le socialisme allemand ou socialisme « vrai ». De quoi s’agit-il ?

A la fin du XVIII° siècle et au début du XIX° siècle, les conditions économiques et sociales de la France étaient en avance sur celles de l’Allemagne. En France la bourgeoisie avait détruit de fond en comble l’ancien régime et s’était emparée du pouvoir politique en 1789 ; le prolétariat s’organisait peu ou prou et paraissait déjà une littérature socialiste et communiste importante (Babeuf (82), Saint-Simon (83), Fourier (20), etc.).

De l’autre côté du Rhin, en Allemagne, la bourgeoisie commençait à peine sa lutte antiféodale pour une nation et pour la démocratie bourgeoise. Aussi, quand les intellectuels allemands disposèrent des concepts nés en France, ils ne purent en saisir avec précision le sens, et il y eut de nombreuses confusions, car la réalité économique et sociale que sous-tendaient ces concepts, était absente en Allemagne. Bientôt ce « socialisme » tout théorique, importé de France, devient une arme aux mains des gouvernants féodaux, pour s’opposer à la montée au pouvoir de la bourgeoisie : ce « socialisme » allemand devint un frein au progrès, utilisé pour empêcher la révolution bourgeoise en Allemagne. Si les théories socialistes, en France, prétendaient représenter les intérêts du prolétariat, et constituaient une critique de la société bourgeoise existante, en vue d’instaurer une société nouvelle, ces mêmes théories, « appliquées » à l’analyse de la situation en Allemagne, formaient une arme aux mains du gouvernement féodal, contre la montée de la bourgeoisie : on applique des phrases prises en France de façon stéréotypée, à des conditions différentes. En fin de compte, le socialisme « vrai » ou allemand représentait les intérêts de la petite bourgeoisie, qui était condamnée à disparaître par l’évolution historique, et qui voulait préserver son existence à tout prix, en maintenant le statut quo.

Les tenants de ce socialisme « vrai » ressemblent par certains points, à ces idéologues de la bourgeoisie d’aujourd’hui qui, se basant sur les critiques émises contre les régimes pseudo socialistes, comme ceux de l’ex-URSS, prétendent que le capitalisme vaut mieux que ce « socialisme » là ! En réalité, ces idéologues veulent préserver le capitalisme et empêcher le déroulement de l’histoire, qui va vers l’instauration universelle du socialisme.

 

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22 mai 2023 1 22 /05 /mai /2023 11:37

Liberté, égalité, fraternité (Partie 13)

 

  1. Le troisième point du programme communiste est l’abolition de la famille.

Qu’est-ce que la famille ? Encore une fois, le débat est faussé et tronqué par l’idéologie bourgeoise qui, en particulier, s’acharne à dénaturer la position des communistes sur ce problème également. Il ne s’agit pas de supprimer la famille dans l’absolu. Ce qu’il faut abolir, c’est la famille bourgeoise qui est la cellule de base de la société capitaliste, sans préjuger de ce par quoi cette institution sera remplacée dans le communisme. La famille bourgeoise est à la fois une créature du système capitaliste, et elle contribue à reproduire les conditions d’existence de ce système : c’est pourquoi elle disparaîtra en même temps que ce système.

La famille n’est pas une entité abstraite et éternelle, mais c’est une création de l’histoire humaine.

La famille a une histoire : elle n’a pas toujours existé. Dans le communisme primitif, les rapports sexuels étaient épisodiques, il n’y avait pas de rapports permanents entre tel homme et telle femme. Tous les hommes aimaient toutes les femmes et réciproquement. Il y avait communauté des enfants, et la propriété de l’homme sur la femme et les enfants était absente.

Quand la famille est née, sa conception a varié d’une société à l’autre, d’une époque à l’autre. Elle a varié aussi d’une clase sociale à l’autre. Ainsi, il y a une grande différence entre la famille féodale –telle qu’elle est critiquée par Molière dans ses pièces de théâtre – qui se caractérise par l’autorité absolue du père sur ses enfants et sa femme, le mariage arrangé par les parents, et la famille bourgeoise. La famille bourgeoise est née, s’est développée avec la classe bourgeoise, elle en porte les caractères, et elle disparaîtra avec la bourgeoisie.

Quelle est la base de la famille bourgeoise ? C’est l’argent.

Dans les sphères de la bourgeoisie, on marie deux comptes en banque. Les sentiments ont un caractère de classe et l’ « amour » pur, entre deux individus de classes différentes, entre le roi et la bergère, n’existe que dans les romans.

Pour le prolétariat, la famille existe à peine : après dix heures – et parfois plus – de travail par jour, la fatigue physique et psychologique se fait senti, et mine la vie de couple. Le mari et la femme ont à peine le temps de se connaître. Pour eux, les enfants sont comme des étrangers.

Quels rapports les membres d’une même famille prolétarienne entretiennent-ils entre eux ? Les enfants sont exploités par les patrons et par les parents et forcés de travailler à l’usine pour apporter un complément de salaire. De même, les femmes sont exploitées par les hommes : contraintes de travailler à la fabrique, elles doivent en plus fournir un travail domestique !

C’est dans la famille que se reproduisent d’abord les rapports de classe, qui sont intériorisés par chaque individu : le père représente l’aspect dominant exploiteur, la mère et les enfants, l’aspect dominé, exploité.

Quel sort est réservé à la femme ?

Dans le capitalisme coexistent deux types de prostituées, la prostituée de passage, que l’on paie, et l’épouse, prostituée permanente, entretenue.

Dans la société bourgeoise, il n’y a pas des rapports entre individus responsables, entre les hommes et les femmes, mais des rapports entre les choses : les individus sont traités comme des objets (c’est la réification) (70).Par exemple, les enfants sont traités comme des instruments de travail, de production de valeurs, permettant d’augmenter la plus-value, et les femmes comme des instruments de (re) production. Le capitalisme ne s’intéresse à l’individu que sous l’angle de la productivité, et nie purement et simplement toutes les autres facettes du caractère et de la personnalité : tout ce qui n’est pas monnayable n’existe pas. Les richesses sociales ne sont pas créées pour répondre aux besoins et aux plaisirs des membres de la société, mais inversement, les individus n’existent que pour produire ces biens et services au profit d’une minorité de privilégiés, qui n’existent que comme supports de la propriété privée. Les enfants ne sont que les moyens offerts par la nature pour transmettre cette propriété privée par l’héritage. Bien sûr, il convient de préciser que les communistes ne s’opposent pas, par principe, au travail manuel féminin, ou des enfants, en général, mais ils s’opposent au travail dans les conditions dans lesquelles il s’exerce dans le système capitaliste.

La communauté des femmes a toujours existé pour la bourgeoisie : celle-ci tient un double langage, distinguant d’une part, les femmes « dignes », d’un bon milieu, que l’on épouse, et d’autre part, les femmes « faciles », avec lesquelles on s’amuse et on « fait » l’amour, ce que permet l’argent (adultères avec les femmes mariées, les épouses des autres bourgeois, et avec les femmes et les filles des prolétaires) : ceci constitue la prostitution non officielle qui fait que, potentiellement, les corps de toutes les femmes appartiennent à la classe capitaliste dans son entier et pourront être « exploitées » et mis à profit par les bourgeois. A cela s’ajoute la prostitution officielle, déclarée, pure et simple. Ainsi, les discours lénifiants sur la famille, la sainteté du mariage, sur la chasteté et la virginité prénuptiale, ne sont que pure hypocrisie des clercs, chiens couchants du capital.

En fin de compte, quand on parle d’abolition de la famille, qu’est-ce qu’il s’agit de supprimer ?

C’est la valeur « famille bourgeoise » comme idéal ! Cet idéal est mis à mal, et même supprimé de fait par la bourgeoisie, pour la plus grande partie de la société. Cette « famille » n’existe pas pour le peuple, cet idéal est irréalisable pour lui étant donné ses conditions de vie matérielle et spirituelle. Dans le milieu bourgeois, il y a discordance totale entre le discours moralisateur sur la famille et la réalité vécue de celle-ci. Il s’agit donc de supprimer quelque chose qui n’a plus que l’existence d’un fantôme, d’une institution morte, mais qui néanmoins demeure un idéal envahissant.

L’éducation, dans le socialisme, ne se fera plus par la famille, mais par la société : on remplacera les conditionnements bourgeois par d’autres, plus en rapport avec la nature humaine contemporaine, et le niveau actuel des forces productives, et qui épanouiront plus l’individu. S’il est impossible de deviner ce que seront les structures de base de la société communiste, la famille sous sa forme socialiste continuera sans doute à subsister pendant une certaine période après le capitalisme, à côté d’autres expériences sexuelles, affectives, communautaires, entre individus.

 

  1. Le quatrième point du programme communiste, c’est l’abolition de la patrie et de la nationalité. ;

La nation est une création bourgeoise : les nations sont nées et se sont développées en même temps que la bourgeoisie. Les luttes entre les diverses nations sont souvent des luttes entre les bourgeoisies des divers pays, et les travailleurs n’y ont aucun intérêt : ils servent de chair à canon.

« Les ouvriers n’ont pas de patrie » (71) car l’exploitation est la même partout. L’objectif du prolétariat mondial est, à long terme, la suppression des frontières entre les différents pays. A court terme, l’objectif de chaque prolétariat est de lutter contre sa propre bourgeoisie, et en ce sens là, les ouvriers sont patriotes : ils doivent se débarrasser de leur bourgeoisie nationale, et combattre l’exploitation d’autres peuples par leur propre bourgeoisie : « Abolissez l’exploitation de l’homme par l’homme, et vous abolissez l’exploitation d’une nation par une autre. » (72).

Souvent les luttes nationales, les luttes d’une nation pour sa libération lorsqu’elle est occupée et opprimée par une nation plus forte, contribuent à l’avancée vers le socialisme.

 

  1. Le cinquième point du programme communiste est l’abolition des mœurs et des idées politiques, philosophiques et religieuses de la bourgeoisie.

Il s’agit d’une révolution culturelle accompagnant la révolution socialiste. C’est là une évidence : au cours de l’histoire humaine, les conditions matérielles n’ont cessé de se transformer, et il en est de même des conditions spirituelles. Ainsi que l’affirment Marx et Engels : « Les idées dominantes d’une époque n’ont jamais été que les idées de la classe dominante. » (73).

Qu’est-ce que cela signifie ?

Dans chaque formation sociale, les idées dominantes sont les idées du mode de production dominant. Par exemple dans le mode de production féodal, les idées dominantes sont les idées féodales (les idées exprimées par le système religieux et philosophique de Thomas d’Aquin (74) par exemple). La société est divisée en classes sociales. Chaque classe sociale a ses propres idées et sa propre « culture ». Ainsi, dans le mode de production féodal existent les idées féodales – dominantes – et également, entre autres, les idées bourgeoises et les idées des serfs. En général, les autres systèmes d’idées, les autres conceptions du monde, sont inféodés, critiqués, rejetés dans la clandestinité, les tenants de ces idées s’opposant aux points dominants sont persécutés.

Les idées se figent et deviennent des forces matérielles : elles peuvent soit défendre le passé (sous forme d’institutions surtout) soit annoncer l’avenir, préparer le terrain (sous forme d’idéologies surtout). Ainsi, au cours du moyen âge, les idées bourgeoises prennent de plus en plus de poids au fur et à mesure du développement économique de la bourgeoisie, et préparent activement dans les esprits le mouvement de 1789 et la construction d’une société nouvelle.

Les idées ne sont pas éternelles : elles varient, elles sont relatives à chaque système social. Il en est ainsi des idées de « propriété », de « liberté », de « famille », etc. La conscience sociale varie. Néanmoins il existe des formes générales (non éternelles) : ainsi, il y a une certaine « continuité », une ressemblance entre la famille esclavagiste, la famille féodale et la famille bourgeoise, et ce point commun, c’est que ces trois types de familles se situent dans une société de clases.

Mais il est certain que, du point de vue des idées aussi, l’objectif des communistes est de réaliser une rupture radicale avec la période bourgeoise, car le but final à atteindre est la suppression des classes sociales, et pour y parvenir, il est nécessaire d’utiliser la violence révolutionnaire ; ce dont il s’agit, ce n’est ni plus ni moins que « la violation despotique du droit de propriété du régime bourgeois de production. » (75). A un moment donné, quand les conditions objectives et subjectives du changement social sont mûres, l’usage de la violence est indispensable, car les anciennes classes dominantes refuseront toujours d’abandonner leurs privilèges sans combattre : c’est une lutte à mort, dont le résultat sera l’instauration d’une société sans classes sociales, au service de l’immense majorité.

« Le pouvoir politique, à proprement parler, est le pouvoir organisé d’une classe pour l’oppression d’une autre. » (76).

Marx et Engels présentent dix mesures qui devraient permettre d’ « arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie » (77), principes généraux, valables universellement, mais dont l’application pratique peut varier selon les pays et qui concernent au premier chef les pays avancés d’Europe. Mais selon les aveux ultérieurs des auteurs eux-mêmes, il ne faut plus accorder trop d’importance à ce programme en dix points, valable surtout en 1848, si un parti ouvrier avait pu s’emparer du pouvoir politique dans un pays industrialisé.

Le premier point de ce programme concerne la terre, la propriété foncière. La terre serait nationalisée et attribuée à ceux qui la travaillent. Ceci permettrait d’écarter les exploiteurs et de développer une agriculture rationnelle et scientifique. La petite production (petits paysans) outre qu’elle engendre à tout moment le capitalisme, est profondément irrationnelle : elle freine le développement d’une agriculture moderne à tous les niveaux (dispersion de l’engrais, des machines, etc., et gaspillage).

Les points suivants combattent et visent à limiter les aspects rétrogrades du capitalisme, quant à l’impôt et à l’héritage. L’ensemble des moyens de production, le crédit, les moyens de transport seront centralisés dans les mains de l’Etat nouveau, et les biens des émigrés et rebelles seront confisqués : c’est là une réminiscence de la révolution française de 1789.

La planification (78) se substituera à l’anarchie de la production en système capitaliste : dans le capitalisme, la production est organisée au niveau de l’entreprise, mais non au niveau de toute la société, d’où des crises et des gaspillages. Dans la nouvelle société, chacun devra vivre de son propre travail, et non plus de l’exploitation du travail d’autrui, et il s’agira afin d’empêcher le retour de l’ancien état de chose, d’aller constamment vers la suppression des contradictions entre ville et campagne, travail intellectuel et travail manuel (79), par des mesures appropriées.

On peut constater que ce programme est effectivement limité, inconséquent, et ceci est dû à une lacune théorique : quand ils rédigeaient le Manifeste, Marx et Engels n’avaient pas encore une conception claire de l’Etat (est-il possible de s’emparer de l’Etat tel qu’il existe pour le faire fonctionner au profit de la majorité de la société, ou bien faut-il détruire l’Etat capitaliste et construire un Etat de type nouveau, prolétarien et socialiste ?).

Le simple fait de centraliser et de nationaliser les moyens de production ne débouche pas forcément sur un système socialiste : au contraire, cela peut déboucher sur un capitalisme d’Etat, c’est-à-dire l’ensemble d’une classe sociale (formée d’anciens ou de nouveaux bourgeois) peut être collectivement propriétaire de l’essentiel des moyens de production et les exploiter à son profit, sur le dos de l’ensemble des masses laborieuses. C’est pourquoi, ce qui est au cœur du problème, c’est de savoir qui (quelle classe sociale ?) détient réellement le pouvoir politique ? Est-ce la classe ouvrière ou la classe bourgeoise ? Dans le premier cas, c’est du socialisme, dans le second cas, même si les moyens de production n’appartiennent plus à des personnes privées, c’est encore du capitalisme. Evidemment, Marx et Engels ne pouvaient entrevoir cette conclusion, car ils ignoraient l’expérience concrète du capitalisme d’Etat, tel qu’il s’est manifesté notamment en Union Soviétique, après la mort de Staline en 1953.

 

 

 

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21 mai 2023 7 21 /05 /mai /2023 11:04

Liberté, égalité, fraternité (Partie 12)

 

CHAPITRE IV

 

 

 

« PROLETAIRES ET COMMUNISTES »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelle est la structure d’une classe sociale ? Une classe sociale est un ensemble d’individus répartis en trois parties :

 

 

 

  • L’avant-garde ;

  • Le centre ;

  • L’arrière-garde (63).

 

De même, dans le prolétariat, on trouve une avant-garde, la masse et le lumpenprolétariat (64). L’avant-garde constitue l’ensemble des partis politiques ouvriers, et en particulier les communistes. Quel est le rapport entre les communistes et la clase prolétarienne ? Les communistes constituent-ils un nouveau parti accolé à l’ensemble des autres partis ouvriers ? Non. Le parti communiste n’est pas un nouveau parti qui s’ajoute aux autres : c’est l’état-major (65) du prolétariat. La classe ouvrière est divisée, et face à la bourgeoisie, il lui faut l’unité, en particulier l’unité de vue : c’est là une des tâches des communistes.

La seule arme dont dispose le prolétariat pour s’emparer du pouvoir, c’est l’organisation. Il y a une différence d’avec la prise du pouvoir politique par la bourgeoisie : pour parvenir à cela, la bourgeoisie s’est emparée du pouvoir économique (du moins elle l’a créé en partie et l’a développé). Le prolétariat a une triple tâche : premièrement, la constitution des prolétaires en classe, de classe en soi, ils doivent devenir classe pour soi. Deuxièmement, la révolution prolétarienne. Troisièmement, la conquête du pouvoir politique par le prolétariat, la dictature du prolétariat (66).

La différence, du point de vue théorique, entre communistes et utopistes, est que les premiers se fondent sur le matérialisme, les seconds sur l’idéalisme (67). Les utopistes élaborent dans leurs têtes, un modèle de société qu’ils cherchent ensuite à appliquer. Le programme des communistes (programme qui s’identifie avec les tâches historiques du prolétariat) repose sur la connaissance des lois de l’histoire.

 

QUEL EST LE PROGRAMME DES COMMUNISTES ?

 

  1. Le premier point de ce programme, c’est l’abolition de la propriété privée.

Il ne faut pas être abstrait et parler de la propriété en général. Si l’on traite le problème de l’abolition de la propriété, que peut-on en dire ?

L’abolition de la propriété privée n’est pas un fait nouveau dans l’histoire, car le régime de propriété a sans cesse évolué. Par exemple : la propriété, à l’origine, n’existait pas. Ou bien encore : la bourgeoisie a contribué à supprimer la propriété de type féodal en 1789, en France, pour implanter la propriété bourgeoise que nous connaissons encore à l’heure actuelle. Et que supprime le communisme ? C’est la propriété bourgeoise.

Dans notre société, qui repose sur les mêmes principes généraux qu’à l’époque de Marx et Engels, il existe deux types de propriété :

  • D’une part, la propriété personnellement acquise, fruit du travail de l’individu.

  • D’autre part, la propriété acquise par le vol d’autrui.

C’est la seconde forme qui caractérise le mieux le capitalisme : le bourgeois capitaliste vole la plus-value à l’ouvrier. Quant à l’idée que le travail génère la richesse, produit de la propriété, elle est de moins en moins vraie : la preuve c’est que la plus grande partie des travailleurs s’escriment toute leur vie, et sont parfois plus démunis à la fin qu’au début de leur existence (ils épuisent leur force physique ou intellectuelle à la reproduction et à l’accumulation du capital).

Qui vole la propriété ? Au cours du développement historique, les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. La propriété, base de la liberté et de toute activité, cette idée est vraie dans un système donné, dans certaines circonstances historiques, pas dans d’autres. Dans un système différent, il est possible de trouver (de créer) au travail humain d’autres motivations que la seule recherche et accumulation de propriété et de richesses : ces motivations peuvent être le service d’autrui, les réponses aux besoins sociaux. Ceci d’autant plus que le travail ouvrier, créateur de toutes les richesses, ne produit pas la propriété, mais enrichie le capitaliste non productif.

Sans cesse, dans le système capitaliste, la bourgeoisie accapare les biens des petits propriétaires (artisans et paysans) et des bourgeois les moins compétitifs : elle exproprie les richesses de ces couches sociales. C’est pourquoi la bourgeoisie – une extrême minorité – sera à son tour expropriée par l’immense majorité, ceci à l’issue du conflit aigu entre TRAVAIL et CAPITAL.

Il s’agit d’abolir une propriété bourgeoise qui n’existe que dans la mesure où les neuf dixièmes de la société sont expropriés. Un capitaliste peut être bon, philanthrope, humaniste. Mais il n’empêche que, de par sa nature, il exploite les ouvriers, sinon il nie sa propre nature – et se « suicide », disparaît en tant que capitaliste.

L’ensemble du capital social appartient presque exclusivement à la classe capitaliste : le lien juridique qui lie le capital à la bourgeoisie est fortement ancré dans toutes les consciences, et il est défendu dans la réalité, par l’Etat bourgeois (armée, police, justice, éducation). Mais en fait, l’exploitation de ce capital est mise en œuvre par tous les membres de la société. L’objectif de la révolution prolétarienne est de rétablir (d’établir pour la première fois dans l’histoire ?) cette réalité, de résoudre la contradiction : d’une part, le capital appartient en titre à une petite minorité, les capitalistes, d’autre part, le capital est exploité en fait par tous les membres de la société.

Les moyens de production appartiennent aujourd’hui à une classe privilégiée : après la révolution prolétarienne, ils appartiendront à la société. En fait, cette révolution prolétarienne n’exproprie personne, car c’est les travailleurs qui, par leur labeur depuis des générations, ont créé ces richesses et mille fois remboursé la valeur de celles-ci.

Les moyens de production seront donc collectivisés (c’est-à-dire rendus à la communauté) afin d’empêcher tout retour à l’exploitation de l’homme par l’homme par l’intermédiaire de ces moyens de production. Mais il n’en sera pas ainsi pour les biens de consommation, qui appartiendront aux travailleurs individuels : « Nous ne voulons absolument pas abolir cette appropriation personnelle des produits du travail, indispensable à la reproduction de la vie du lendemain, cette appropriation ne laissant aucun profit net conférant un pouvoir sur le travail d’autrui. » (68)

 

  1. Le second point du programme communiste, c’est l’abolition de la liberté bourgeoise.

Encore une fois, on ne peut parler de la liberté en général, en faisant abstraction des conditions concrètes, historiques, de la réalisation, de cette liberté. La liberté, comprise au sens bourgeois, constitue un progrès par rapport à ce que pouvait offrir le moyen âge. La liberté, au sens bourgeois, c’est la liberté d’entreprise, c’est-à-dire la liberté d’exploiter le travail des ouvriers. Cette liberté est réactionnaire par rapport à la liberté prolétarienne.

Marx et Engels parlent de la suppression de la personne bourgeoise. De quoi s’agit-il ? S’agit-il de la suppression physique et immédiate de tous les éléments d’une classe sociale ? Non bien sûr, c’est là une déformation dogmatique du marxisme. Il s’agit, en changeant la société, de supprimer le type humain, tel qu’il existe, sous sa forme bourgeoise. Les bourgeois concrets et vivants seront eux-mêmes rééduqués, c’est-à-dire qu’ils devront vivre de leur propre travail, et non plus de l’exploitation du travail d’autrui. Bien sûr, il faudra pendant un certain temps exercer sur cette classe (jusqu’à sa disparition en temps que classe) une dictature, afin de l’empêcher de rétablir son paradis perdu, et de faire tourner la roue de l’histoire à l’envers. Mais si, au cours du socialisme, on enlève à tous les individus faisant partie de la classe bourgeoise la possibilité de retrouver les anciens privilèges, par contre, ils bénéficient, comme tous les individus de la société, des mêmes droits (droit au travail en particulier, et possibilité de vivre des produits de leur travail, de consommer les produits obtenus grâce à ce travail, droit à la santé, etc.) : « Le communisme n’enlève à personne le pouvoir de s’approprier des produits sociaux ; il n’ôte que le pouvoir d’asservir à l’aide de cette appropriation le travail d’autrui. » (69).

Un caractère commun entre la bourgeoisie et les classes exploitantes antérieures (maîtres d’esclaves, nobles) est qu’elle aussi s’imagine fermement que son système social et ses valeurs morales sont les seuls possibles et sont donc éternels : la bourgeoisie cherche à inculquer cette idée à tout le peuple afin de l’empêcher d’envisager toute transformation de la société.

 

 

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