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8 février 2018 4 08 /02 /février /2018 00:34

 

LA DICTATURE DU PROLETARIAT (partie 41)

 

      1. LES ALLIES OBJECTIFS DU PROLETARIAT

 

Quels sont les rapports entre le prolétariat et les autres classes et couches de travailleurs ? Comment le prolétariat pourra-t-il rallier ces couches de la population (en particulier les semi-prolétaires et les petits paysans) ? Pour répondre à ces questions il faut partir de la situation sociale objective de ces classes et couches de la population : le paysan indépendant, ou l’artisan, sont, dans le mode de production capitaliste, à la fois capitaliste et ouvrier, puisqu’ils sont possesseurs de leurs moyens de production et aussi leurs propres salariés :

« La situation économique du petit bourgeois est telle qu’il penche nécessairement et involontairement tantôt vers la bourgeoisie, tantôt vers le prolétariat. Sa situation économique ne lui permet pas d’avoir une ligne indépendante. Son passé le porte vers la bourgeoisie, son avenir vers le prolétariat. » (161)

Prenons le cas de la petite paysannerie en France : c’est une couche sociale qui trouve ses racines dans la société féodale. Avec la domination de la bourgeoisie, elle s’est fondamentalement transformée. C’est une classe qui est alors exploitée de façon capitaliste en tant que producteurs.

Toutefois cette exploitation reste limitée et morcelée. Elle s’enveloppe de formes médiévales, de toutes sortes d’attributs politiques, juridiques et familiaux, de ruses qui empêchent le travailleur de voir que c’est le capital qui l’opprime et son support, la classe capitaliste.

Cette conscience fausse, limitée, exiguë de sa situation n’empêche pas moins qu’il ressent l’exploitation capitaliste comme tout autre travailleur. Elle lui apparaît de façon aiguë et directe quand il est spolié de sa terre et transformé en ouvrier agricole. Cette conscience limitée, fausse est due à son être social : il vit de sa propre force de travail et a une production limitée ; il est parfois propriétaire de ses moyens de production.

Dans les campagnes, les formes de développement du capitalisme sont inférieures : les conditions matérielles et les forces sociales nécessaires pour la lutte font en général défaut. En effet, la production est morcelée en une multitude d’exploitations minuscules. Le travailleur exploité possède encore la plupart du temps une minuscule exploitation qui l’attache à ce système bourgeois contre lequel il doit mener la lutte. Ceci retarde et rend difficile le développement des forces sociales capables de renverses le capitalisme. Morcelée, individuelle, la petite exploitation attache les travailleurs à leur localité, les dissocie et ne leur permet ni de prendre conscience de leur solidarité de classe, ni de s’unir après qu’ils ont compris que la cause de leur oppression n’est pas tel ou tel individu, mais le système économique tout entier.

Aussi c’est à la classe ouvrière de leur montrer quelle voie prendre. Car au contraire, le grand capitalisme, la grande industrie moderne rompt inévitablement les liens rattachant les ouvriers à la vieille société, à telle localité et à tel exploiteur ; il les unit ; les oblige à réfléchir et les place dans des conditions permettant d’engager une lutte organisée.

Les couches pauvres et moyennes de la paysannerie suivent souvent les partis bourgeois et petits bourgeois, non par un libre choix de leur volonté, mais parce qu’elles sont trompées par la bourgeoisie, parce que le capital les opprime. Aussi le prolétariat ne pourra rallier ces couches DANS LEUR ENSEMBLE qu’après avoir vaincu la bourgeoisie, après l’avoir renversée ; quand le prolétariat aura pris le pouvoir d’Etat, et affranchi par là même tous les travailleurs du capitalisme, il pourra montrer dans la pratique les bienfaits du pouvoir prolétarien, les bienfaits de l’affranchissement de l’exploitation capitaliste et de l’esclavage salarié.

La bourgeoisie se servait du pouvoir d’Etat comme de l’instrument de la classe des capitalistes contre le prolétariat et contre tous les travailleurs. Le prolétariat doit renverser la bourgeoisie, briser l’Etat capitaliste, arracher le pouvoir d’Etat, pour user de cet instrument dans ses propres buts de classe.

Quels sont les objectifs de classe du prolétariat ? C’est de résoudre la contradiction entre la bourgeoisie capitaliste et le prolétariat par la violence révolutionnaire, par la révolution prolétarienne, et d’écraser la résistance de la bourgeoisie par la dictature du prolétariat ; c’est de « neutraliser » les classes moyennes, entre autres la paysannerie, et attirer la majorité de sa partie laborieuse, non exploiteuse, aux côtés du prolétariat en vue de l’édification du socialisme ; c’est d’organiser le socialisme sur les ruines du capitalisme. Le problème de l’action à exercer par le prolétariat sur les semi-prolétaires et les petits et moyens paysans n’est pas identique à l’action à exercer sur la bourgeoisie capitaliste. Dans le premier cas, le prolétariat n’est pas face à un ennemi, mais face à un hésitant avec lequel il peut parvenir à une entente ; dans le second cas le prolétariat est face à un ennemi agissant, qu’il s’agit d’éliminer.

« La révolution prolétarienne est impossible sans la sympathie et le soutien de l’immense majorité des travailleurs pour leur avant-garde : le prolétariat. Mais cette sympathie, ce soutien ne se gagnent pas d’emblée, ne se décident pas sur des votes ; on les conquiert au prix d’une lutte de classe difficile, dure, de longue haleine. La lutte de classe que mène le prolétariat pour gagner la sympathie, pour gagner le soutien de la majorité des travailleurs ne cesse pas quand le prolétariat a conquis le pouvoir politique. Après la conquête du pouvoir cette lutte se poursuit, mais sous d’autres formes. » (162)

 

    1. « TOUTE LUTTE DE CLASSE EST UNE LUTTE POLITIQUE. » (MARX)

 

Les opportunistes, asservis aux idées libérales, ont faussement compris cette pensée de Marx et se sont attachés à l’interpréter de travers. Ainsi, par exemple, parmi les opportunistes figurent les « économistes », tendance que Lénine eut à combattre à la fin du XIX° siècle et au début du XX° siècle. Cette conception réduit le marxisme à une « théorie économique » à partir de laquelle pourrait être interprété l’ensemble des transformations sociales. L’économisme, définissant les forces productives comme le moteur de l’histoire, fait apparaître la lutte des classes comme le produit direct et immédiat des contradictions économiques. Ces dernières sont supposées devoir « engendrer » d’elles-mêmes les transformations sociales et, le « moment venu », les luttes révolutionnaires. La classe ouvrière semble donc devoir être poussée à la révolution, la constitution d’un parti prolétarien n’est donc pas nécessaire.

Les « économistes » pensaient que n’importe quel conflit entre des classes constitue déjà une lutte politique. Ils reconnaissaient comme « lutte de classe » la lutte pour obtenir une augmentation de salaire, mais ils refusaient de voir la lutte de classe plus élevée, plus développée, à l’échelle de toute la nation, pour des objectifs politiques.

Lorsque les ouvriers d’une fabrique, ou d’une profession, affrontent leurs patrons, ce n’est pas la lutte de classe, ce n’est encore qu’un faible embryon de la lutte de classe.

La lutte des ouvriers devient lutte de classe lorsque tous les représentants d’avant-garde de l’ensemble de la classe ouvrière de tout le pays ont conscience de former une seule classe ouvrière et commencent à agir non pas contre tel ou tel patron, mais contre la classe des capitalistes tout entière et contre le gouvernement qui la soutient. C’est seulement lorsque chaque ouvrier a conscience d’être membre de la classe ouvrière dans son ensemble, lorsqu’il considère qu’en luttant quotidiennement, pour les revendications partielles, contre tels patrons et tels fonctionnaires, il se bat contre toute la bourgeoisie et tout le gouvernement, c’est alors seulement que son action devient une lutte de classe. Il n’est pas vrai que toute action des ouvriers contre les patrons est toujours une lutte politique. Mais la lutte des ouvriers contre les capitalistes devient nécessairement une action politique dans la mesure où elle devient une lutte DE CLASSE.

Le marxisme se propose précisément en organisant les ouvriers, de transformer par la propagande et l’agitation, leur lutte spontanée contre les oppresseurs en une lutte consciente de toute la classe, en la lutte d’un PARTI POLITIQUE pour des idéals politiques et socialistes déterminés. Les « économistes » reconnaissaient la lutte de classe embryonnaire mais ne la reconnaissaient pas sous sa forme développée. Autrement dit, les « économistes » reconnaissaient dans la lutte de classe uniquement ce qui était le plus tolérable au point de vue de la bourgeoisie libérale, en refusant d’aller plus loin que les libéraux, en refusant de reconnaître la lutte de classe plus élevée que les libéraux ne pouvaient admettre. Les « économistes » renonçaient ainsi à la conception marxiste et révolutionnaire de la lutte de classe.

Ces mots : la lutte de la classe ouvrière est une lutte politique, signifient que la classe ouvrière ne peut lutter pour sa libération sans chercher à exercer une influence sur les affaires de l’Etat, sur l’administration de l’Etat, sur la promulgation des lois.

Mais il ne suffit pas de dire que la lutte de classe devient véritable, conséquente et développée uniquement lorsqu’elle s’étend au domaine de la politique. En politique aussi, on peut se limiter aux détails sans importance ou bien aller jusqu’à l’essentiel. Le marxisme reconnaît que la lutte de classe atteint son plein développement uniquement lorsque, ne se contentant pas de s’étendre à la politique, elle se saisit dans la politique même, ce qui est le plus essentiel : l’organisation du pouvoir d’Etat.

Au contraire, lorsque le mouvement ouvrier a pris quelques forces, le libéralisme n’ose plus nier la lutte de classe, mais il s’efforce de la rétrécir, de la tronquer. Le libéralisme est prêt à reconnaître la lutte de classe jusque dans le domaine de la lutte politique, mais à une condition : que l’organisation du pouvoir d’Etat ne fasse pas partie de son champ d’action.

Mais la lutte de classe du prolétariat est une lutte pour le tout. C’est une lutte politique, idéologique, économique contre la civilisation bourgeoise et sa destruction totale et pour imposer ses propres intérêts de classe (suppression des classes) et sa propre conception du monde (communisme).

Le mouvement ouvrier demeurait axé sur des détails, fragmenté, n’acquérait pas d’importance politique, n’était pas éclairé par la science d’avant-garde de son temps, tant qu’il n’avait pas fusionné avec le socialisme scientifique. A la suite de cette fusion, la lutte de classe devient une lutte consciente du prolétariat pour s’affranchir de l’exploitation, et en même temps s’élaborait une forme supérieure du mouvement ouvrier socialiste : le PARTI OUVRIER INDEPENDANT, instrument d’organisation de la lutte du prolétariat.

L’organisation marxiste du mouvement ouvrier devait mener le mouvement grandissant de la classe ouvrière à la lutte pour le socialisme et la libération de l’ensemble des masses populaires du joug du capital. Sa tâche était de détacher les petits bourgeois qui se raccrochaient au mouvement ouvrier, rabaissaient sa force d’élan au niveau du mouvement trade-unioniste et en faisaient un appendice de la bourgeoisie libérale.

Lénine, comme déjà Marx dans le Manifeste du parti communiste, a définit le parti comme l’avant-garde de la classe ouvrière :

« Le parti communiste est une partie de la classe ouvrière : la partie la plus avancée, la plus consciente et, par conséquent la plus révolutionnaire. Le parti communiste est créé sur la base de la sélection naturelle des ouvriers les meilleurs, les plus conscients, les plus dévoués, les plus clairvoyants. Il se distingue de toute la masse ouvrière en ce qu’il domine du regard tout le chemin historique de la classe ouvrière dans son ensemble, et qu’il s’efforce de défendre à tous les détours de ce chemin, non pas les intérêts de quelques groupes isolés, ou de quelques corporations ; mais les intérêts de la classe ouvrière dans son ensemble. Le parti communiste est, au point de vue de la politique et de l’organisation, le levier à l’aide duquel la partie la plus avancée de la classe ouvrière dirige toute la masse du prolétariat et du demi-prolétariat dans la bonne voie. » (163)

 

 

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8 février 2018 4 08 /02 /février /2018 00:30

 

 

LA DICTATURE DU PROLETARIAT (partie 40)

 

L’ORGANISATION

 

La condition essentielle pour le prolétariat révolutionnaire est la nécessité absolue de l’organisation car, comme l’écrivait Lénine en 1904 : « le prolétariat n’a d’autre arme dans sa lutte pour le pouvoir que l’organisation ». Cette idée d’organisation intervient à trois niveaux : il faut ORGANISER l’instrument révolutionnaire du prolétariat, le Parti de type nouveau ; il faut ORGANISER la révolution elle-même ; il faut ORGANISER la société à laquelle la révolution a donné naissance. Le premier point, l’organisation de l’instrument de prise du pouvoir par le prolétariat, sera traité dans le Chapitre IV (« Le Parti léniniste »). Le second point, l’organisation de la prise du pouvoir par le prolétariat et son Parti, sera traité dans le Chapitre V (« Le pouvoir politique »). Le troisième point, l’organisation du pouvoir prolétarien, sera traité dans le Chapitre VIII (« La dictature du prolétariat »).

Nous avons vu où le prolétariat veut aller : vers la révolution prolétarienne et l’édification socialiste. Maintenant le problème est de savoir avec qui aller. A côté de la contradiction principale entre la bourgeoisie et le prolétariat, il existe d’autres classes et couches sociales qui sont en contradiction.

En ce qui concerne la France contemporaine, ce sont essentiellement la petite et moyenne paysannerie, la petite bourgeoisie et les intellectuels : ce sont les classes et couches moyennes. Il y a contradiction entre ces différentes classes moyennes, entre les classes moyennes et le prolétariat, entre les classes moyennes et la bourgeoisie. C’est-à-dire qu’il y a interaction entre les diverses classes moyennes et action réciproque entre les classes moyennes et la contradiction principale. Ces contradictions se manifestent par des conflits entre les intérêts des classes différents. Mais ce sont là des contradictions secondaires dont la transformation et l’évolution sont en dernières instances déterminées par la contradiction principale. Cependant, il est capital de déterminer, pour le développement de la révolution, parmi toutes ces contradictions secondaires, quelles sont les contradictions antagonistes, celles qui ne le seront jamais et celles qui peuvent le devenir.

Il convient de distinguer deux types de contradictions différentes, et donc deux façons différentes de traiter les contradictions, de les résoudre : les contradictions antagoniques et les contradictions non antagoniques ou contradictions au sein du peuple.

 

LA CONTRADICTION ENTRE LA BOURGEOISIE ET LE PROLETARIAT EST UNE CONTRADICTION ANTAGONIQUE

 

Dans la société capitaliste, la contradiction entre la bourgeoisie et le prolétariat est antagonique, c’est-à-dire qu’elle ne se résout que par la lutte violente et par la révolution prolétarienne.

Dans une conjoncture précise, les contradictions entre le prolétariat et ses alliés objectifs (petite et moyenne paysannerie, petite bourgeoisie, bourgeoisie nationale) sont non antagoniques, c’est-à-dire qu’elles peuvent et doivent se résoudre par la persuasion et la lutte idéologique. Si ce type de contradiction n’est pas bien traité, il peut devenir antagonique.

Faute de savoir déterminer à un moment précis et dans la perspective de l’avenir (la révolution socialiste, l’édification socialiste sous la dictature du prolétariat) si une contradiction est ou devient antagoniste, et jusqu’à quel point, il n’est pas possible de définir une tactique révolutionnaire. Il n’est pas possible même de savoir si une situation donnée, la situation actuelle par exemple, est révolutionnaire immédiatement ou à terme.

Chaque contradiction a son originalité. Selon la conjoncture, chaque contradiction se transforme et change, c’est-à-dire se reflète et se disperse en mille autres. Du point de vue du prolétariat révolutionnaire, qui se fixe pour but la destruction de la société bourgeoise, se posent un certain nombre de problèmes : par exemples, qu’est-ce qui divise les masses populaires, et qu’est-ce qui les unit ? Jusqu’où ira la bourgeoisie française dans sa résistance aux empiètements de l’impérialisme américain ? Par exemple, il est évident que le prolétariat n’a pas les mêmes moyens d’action si petits paysans et commerçants sont prêts à se battre où s’ils sont désarmés par les quelques concessions consenties par la bourgeoisie, qui cherche à se les concilier, adoucissant quelque peu le détail de leur disparition.

Contradiction entre la bourgeoisie et le prolétariat, contradiction entre les petits paysans et commerçants, ce sont là deux contradictions de natures différentes que le prolétariat doit résoudre par des méthodes différentes.

 

      1. BOURGEOISIE ET PROLETARIAT

 

Dans le système capitaliste, la bourgeoisie est la classe dominante : c’est-à-dire que le pouvoir politique lui appartient. Le pouvoir politique lui permet dans une large mesure de réaliser ses intérêts de classe au mieux ; quelle que soit la forme du pouvoir d’Etat, c’est un Etat capitaliste. Le pouvoir d’Etat est le reflet des rapports de classe de la société à un moment donné.

Le pouvoir d’Etat et les différents appareils d’Etat (appareil scolaire, armée, justice, administration, …) appareils d’Etat qui sont la matérialisation, la « cristallisation », de ce reflet des forces en présence qu’est le pouvoir d’Etat, sont les instruments de la classe bourgeoise, dont elle se sert pour chercher à résoudre les différentes contradictions entre les classes sociales au profit de sa classe propre.

Si à l’époque de la bourgeoisie ascendante, il a pu sembler qu’elle était porteuse des intérêts de l’ensemble du peuple, l’évolution historique a vite dissipé cette illusion. En fait, il s’est avéré que la bourgeoisie luttait pour ses revendications propres, et il ne pouvait en être autrement, vu les conditions objectives existantes. Les grands révolutionnaires français (Robespierre, Danton, Marat, Saint-Just…) ont lutté, qu’ils en aient conscience ou non, cela ne change rien à l’affaire, pour la réalisation des idéaux d’une fraction du tiers-état : la bourgeoisie médiévale. Leur élaboration d’une société nouvelle et d’un Etat nouveau était une adaptation des besoins de la bourgeoisie au plan idéologique et politique, une adaptation de la superstructure à l’infrastructure. Leur revendication de suppression des privilèges de classe signifiait la suppression des privilèges de la noblesse, des privilèges de sexe, d’âge et d’origine. Leur revendication de « liberté » signifiait en réalité liberté d’entreprise, liberté d’exploiter autrui : c’est-à-dire liberté bourgeoise. Le mot d’ordre d’ « égalité » dissimulait le fait fondamental de l’opposition entre les possesseurs de moyens de production et ceux qui n’avaient que leur force de travail à vendre pour vivre : c’était une « égalité » nominale, de droit et non de fait. Le droit bourgeois sacralisait, fixait et défendait la propriété privée, appelant « homme », « citoyen », celui qui est à l’image du bourgeois, c’est-à-dire le propriétaire des moyens de production.

« Comment s’est exprimée la domination de la bourgeoisie sur les féodaux ? La Constitution parlait de liberté et d’égalité. Mensonges. Tant qu’il y a des travailleurs, les propriétaires sont capables et même tenus de spéculer en leur qualité de propriétaires. Nous disons qu’il n’y a pas d’égalité, que l’homme rassasié n’est pas l’égal de l’affamé, ni le spéculateur l’égal du travailleur. (…). La teneur principale, l’esprit de toutes les constitutions d’autrefois, jusqu’à la plus républicaine, la plus démocratique, se réduisait à la seule propriété. » (158)

 

Mais la masse populaire donnait un sens différent aux revendications de liberté et d’égalité, et dès le début ses représentants (Hébert, Babeuf, Olympe de Gouges …) se sont heurtés à la bourgeoisie. Suppression des privilèges signifiait suppression de tous les privilèges, et donc suppression des classes, égalité sociale et économique et non plus seulement « égalité » de droit. Liberté signifiait maîtrise du mode de vie en société des hommes par tout un chacun, et liberté du travail. Dès le départ ces revendications furent refoulées et niées.

L’ensemble des institutions monarchiques, dont le vieil appareil militaire, la justice, ayant disparu, de gré ou de force, la bourgeoisie révolutionnaire se révélât, tout aussitôt, capable d’en inventer, d’en fabriquer d’autres, les siennes propres : l’Etat bourgeois.

Mais une fois la bourgeoisie triomphante, une fois que le pouvoir fur séparé du peuple, remis à une poignée de professionnels qui assuraient la défense des privilèges de la classe bourgeoise et s’identifiaient eux-mêmes aux exploiteurs par leur personne ou par leur intérêt, la contradiction entre la bourgeoisie capitaliste et le prolétariat apparaissait de plus en plus aiguë, de plus en plus consciente, de plus en plus développée.

Face à la lutte des travailleurs, et de leur développement, quelles furent les méthodes de lutte de la bourgeoisie pour maintenir sa dictature ? Elle usait de deux méthodes de lutte : la carotte et le bâton. Tels étaient, sont et resteront les deux formes de lutte essentielles de la bourgeoisie capitaliste contre les masses laborieuses.

La première méthode est celle des violences, des persécutions et de la répression. C’est une méthode qui porte encore la marque du servage, du moyen âge. Il y a partout, dans les pays avancés comme dans les pays arriérés, des couches et des groupes de la bourgeoisie qui préfèrent ces procédés ; ces procédés à certains moments spécialement critiques de la lutte des ouvriers contre l’esclavage salarié, rallient l’ensemble de la classe bourgeoise. Ce fut par exemple le cas des bourgeoisies allemandes et italiennes qui instaurèrent une dictature fasciste de la bourgeoisie :

« Plus la démocratie bourgeoise est développée et plus elle est près, en cas de divergence profonde et dangereuse pour la bourgeoisie, du massacre ou de la guerre civile. » (159)

C’est là une « loi » de la démocratie bourgeoise, vérifiée encore en Mai 1968 ;

L’autre méthode de lutte utilisée par la bourgeoisie contre le mouvement ouvrier consiste à diviser les ouvriers, à désorganiser leurs rangs, à corrompre certains groupes ou certains représentants du prolétariat, afin de les faire passer dans le camp de la bourgeoisie. Elle consiste à assujettir le mouvement ouvrier à l’idéologie bourgeoise.

Lénine a défini ainsi les deux aspects de la démocratie bourgeoise :

« Le régime démocratique est l’une des formes de la société bourgeoise, sa forme la plus pure et la plus parfaite, où le maximum de liberté, d’ampleur, de clarté de la lutte des classes va de pair avec le maximum de ruse, d’astuce, d’artifices, de pression « idéologique » exercée par la bourgeoisie sur les esclaves salariés en vue de les distraire de la lutte contre l’esclavage salarié. » (160)

 

La solution  de la contradiction entre le Travail et le Capital, la bourgeoisie capitaliste et le prolétariat, est la révolution prolétarienne et l’édification du socialisme sous la dictature du prolétariat : de classe dominée, le prolétariat devient classe dominante, c’est-à-dire le pouvoir d’Etat a une nature de classe prolétarienne et a la forme d’un Etat socialiste qui permet au prolétariat révolutionnaire de réaliser ses tâches historiques (abolition des classes). Inversement, la bourgeoisie de classe dominante devient classe dominée, c’est-à-dire que l’Etat capitaliste est brisé ; mais la classe bourgeoise ne « disparaît » pas pour autant.

La lutte de classe, la lutte idéologique et politique essentiellement, se poursuit entre la bourgeoisie et le prolétariat sous la dictature du prolétariat ; mais elle se poursuit sous une autre forme sous la direction du prolétariat, et ceci jusqu’au stade supérieur du socialisme, le communisme, où les classes sont supprimées.

Le prolétariat est le représentant de tous les travailleurs, en tant que classe la plus exploitée en régime capitaliste, mais aussi la plus consciente de sa situation et la plus capable, de s’en sortir par la voie révolutionnaire. En s’émancipant, le prolétariat émancipe toutes les autres classes de l’exploitation et de l’oppression bourgeoise. Le prolétariat n’a intérêt au maintien d’aucun privilège : aussi il les abolit tous. Par sa domination en régime socialiste, il vise non à « exploiter » la bourgeoisie, mais à la détruire, à supprimer toute possibilité à une classe d’en exploiter une autre. La classe ouvrière apporte son soutien à la révolutionnarisation des autres classes. Mais cette transformation des classes moyennes libérées de la bourgeoisie se fait sous la direction du prolétariat, non dans l’intérêt d’une nouvelle classe, mais dans le sens d’un renforcement de la dictature du prolétariat. Tout renforcement de la dictature du prolétariat est un pas fait vers la disparition des classes et de l’Etat, tout affaiblissement de la dictature du prolétariat est un pas vers le renforcement de la bourgeoisie et vers son rétablissement éventuel.

 

 

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7 février 2018 3 07 /02 /février /2018 00:07

 

LA DICTATURE DU PROLETARIAT (partie 39)

 

LE RÔLE DU PROLETARIAT

 

Le rôle du prolétariat est de renverser la société bourgeoise et d’édifier le socialisme. La classe ouvrière a sans doute une conscience idéologique ; mais en même temps, elle présente les caractères objectifs qui la disposent déjà à être le sujet du socialisme scientifique. Le prolétariat s’instruit et s’éduque en menant sa lutte de classe ; peu à peu il s’affranchit des préjugés de la société bourgeoise et il acquiert une cohésion de plus en plus grande. Ainsi la fabrique apporte au prolétariat une discipline du travail et l’organise :

« Le capital qui bat la petite production conduit à augmenter la productivité du travail et à créer une situation de monopole pour les associations de gros capitalistes. La production elle-même devient de plus en plus sociale : des centaines de milliers et des millions d’ouvriers sont réunis dans un organisme économique coordonné, tandis qu’une poignée de capitalistes s’approprient le produit du travail commun. » (154)

La force du prolétariat est infiniment plus grande que ce qu’il représente comme pourcentage par rapport à la population totale : ceci est dû au fait de la structure économique même de la société capitaliste et à la place qu’occupe la classe ouvrière dans cette société :

« Tout en augmentant la dépendance des ouvriers envers le capital, le régime capitaliste crée la grande puissance du travail unifié. » (155)

Il apparaît que la classe ouvrière est le sujet de l’histoire, qu’elle a un rôle dirigeant : c’est-à-dire le prolétariat est la seule classe porteuse des intérêts généraux de la société entière capable de réaliser ces intérêts. La classe ouvrière ne pourra jouer réellement son rôle dirigeant que si elle s’affirme et se comporte comme l’avant-garde de tous les travailleurs et de tous les exploités, comme leur guide dans la lutte pour renverser les exploiteurs et édifier le socialisme. Pour permettre au prolétariat d’exercer comme il se doit, avec succès, son rôle d’organisateur (qui est son rôle principal), il faut d’abord forger son arme : le parti politique prolétarien.

Ce parti communiste doit faire régner dans son sein une centralisation et une discipline rigoureuse :

« La victoire sur le capitalisme exige de justes rapports entre le parti communiste dirigeant, la classe révolutionnaire, c’est-à-dire le prolétariat, et la masse, c’est-à-dire l’ensemble des travailleurs et des exploités. Seul le parti communiste, s’il est effectivement l’avant-garde de la classe révolutionnaire, s’il compte dans ses rangs les meilleurs représentants de cette classe, s’il est composé de communistes pleinement conscients et dévoués, instruits et trempés par l’expérience d’une lutte révolutionnaire opiniâtre, si ce parti a su se lier indissolublement à toute la vie de sa classe et, par elle, à toute la masse des exploités et inspirer à cette classe et à cette masse une confiance absolue, -- seul un tel parti est capable de diriger le prolétariat dans la lutte finale la plus résolue et la plus implacable contre toutes les forces du capitalisme. » (156)

 

LE PROLETARIAT, SEULE CLASSE REVOLUTIONNAIRE JUSQU ’ AU BOUT

 

Il existe d’autres classes sociales et couches sociales dans le processus social capitaliste, outre le prolétariat et la bourgeoisie capitaliste : ce sont essentiellement les classes moyennes. Certaines de ces classes sont héritées du moyen age, d’autres prennent naissance sur le sol de la nouvelle formation sociale capitaliste. Cependant, c’est principalement, mais non pas seulement, l’évolution de la contradiction fondamentale entre le prolétariat et la bourgeoisie capitaliste, entre le Travail et le Capital, qui fait que l’unité constituée par la formation sociale capitaliste se développe, se transforme et change. C’est-à-dire il y a action des deux termes irréductibles de la contradiction l’un sur l’autre, du prolétariat sur la bourgeoisie et de la bourgeoisie sur le prolétariat, action qui se manifeste par des luttes plus ou moins aiguës. Cette contradiction n’est devenue ouvertement irréconciliable qu’après la transformation de la bourgeoisie en classe dominante, c’est-à-dire en France, après la Révolution de 1789.

Cette contradiction est la seule qui peut, et doit, aboutir à la destruction complète de la société bourgeoise et à l’édification de la société socialiste. En ce sens le prolétariat est la seule classe qui soit en lutte pour le tout (pour le pouvoir politique), la seule classe qui soit révolutionnaire jusqu’au bout, la seule classe socialiste de façon cohérente,

  • Par sa situation économique : le capitalisme a dénudé chaque élément du prolétariat, et chaque élément du prolétariat doit vendre au capitaliste sa force de travail pour subsister ; le prolétaire ne tient par rien au système, mais au contraire il aspire à abolir tous les privilèges de classe et donc à abolir les classes elles-mêmes. D’un autre côté, le capitalisme a organisé la classe ouvrière en travailleur collectif, producteur de toutes les richesses de la société.
  • Par sa situation idéologique : le socialisme scientifique, fondé par Marx et Engels, appliqué et développé par Lénine et Staline en Union Soviétique, construit sur la base de la spontanéité créatrice des masses – spontanéité que dépasse un bond qualitatif – mais qui ne renonce jamais à la spontanéité créatrice comme fondement de son mouvement, le socialisme scientifique apporte à la classe ouvrière une conscience pleine de ce qui l’opprime, et de la façon de s’en sortir.
  • Par sa situation politique : d’une part le prolétariat mène une lutte pour satisfaire ses besoins économiques immédiats, améliorer sa situation matérielle, d’où exigence d’une organisation. D’autre part, le socialisme scientifique aide au développement et à l’organisation du mouvement ouvrier, et transforme la lutte isolée, « révoltes » ou grèves – tentatives dépourvues de toute idée directrice – en une lutte cohérente qui devient une guerre de classe, guerre de toute la classe ouvrière contre le régime bourgeois, et visant à détruire le régime social fondé sur l’oppression du travailleur.

« Cette situation de l’ouvrier d’usine, dans le système général des rapports capitalistes, fait qu-il est seul à lutter pour l’émancipation de la classe (travailleuse) parce que seul le stade supérieur du capitalisme, la grande industrie mécanique, crée les conditions matérielles et les forces sociales nécessaires pour cette lutte. Partout ailleurs, là où les formes de développement du capitalisme sont inférieures, ces conditions font défaut. » (157)

 

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7 février 2018 3 07 /02 /février /2018 00:02

 

LA DICTATURE DU PROLETARIAT (partie 38)

 

LE PROLETARIAT EXISTE-T-IL ENCORE ?

 

Pour avoir le droit de s’appeler « prolétaire », il n’est pas nécessaire de vivre dans les mêmes conditions que ce qu’on nommait « prolétaire » au temps de Marx. Dans un certain sens une grande partie du prolétariat industriel de nos villes d’Europe occidentale vit mieux que le prolétariat du XIX° siècle. Mais, outre que ce mieux-être, produit du travail de l’ouvrier, a été arraché par les luttes de classe du prolétariat contre la bourgeoisie capitaliste, la nature du prolétariat n’a pas fondamentalement changée. Sa situation n’a pas été fondamentalement améliorée, bien au contraire : dans une certaine mesure elle est même plus précaire. Le prolétariat continue de vendre sa force de travail pour vivre, et il ne possède qu’elle. Les conditions de sa vie sociale ne dépendent pas de lui, mais dépendent de causes extérieures à lui. A cause de cela, il ne saurait être libre, ni heureux donc : le fait que les chaînes soient « dorées » peut l’endormir pour un moment, mais quand il se réveille, il se retrouve dans les « chaînes de l’esclavage » (Marat) de la condition salariale.

 

LE PROLETARIAT EST IL UNE CATEGORIE SOCIOPROFESSIONNELLE ?

 

Certains définissent le prolétariat comme étant une catégorie socioprofessionnelle : « c’est la catégorie sociale la moins rémunérée » dit-on, et on fixe arbitrairement un barème en dessous duquel toute personne peut être considérée comme appartenant à la classe ouvrière. Pour rétablir l’ « égalité », il s’agirait alors d’uniformiser les salaires. Mais le marxisme n’a jamais fait sienne cette revendication gauchiste, non scientifique, de l’uniformité des salaires, de ce pseudo égalitarisme. Marx a souligné, dans Salaire, prix et profit :

« Ce que l’ouvrier vend, ce n’est pas directement son travail, mais sa force de travail dont il cède au capitaliste la disposition momentanée (…). Les frais de production de forces de travail de qualités différentes diffèrent exactement de la même façon que les valeurs des forces de travail employées dans les diverses industries. La revendication de l’égalité des salaires repose par conséquent sur une erreur, sur un désir insensé qui ne sera jamais satisfait (…). Comme les différentes forces de travail ont des valeurs différentes, c’est-à-dire nécessitent pour leur production des quantités de travail différentes, elles doivent nécessairement avoir des prix différents sur le marché du travail. » (151)

Le prolétariat se définit en tant que classe, non par son salaire, mais par sa place par opposition aux autres classes dans les rapports sociaux. Le salaire bas par rapport à d’autres salaires est une conséquence de ces rapports sociaux. La revendication du prolétariat révolutionnaire n’est pas la suppression des inégalités de salaire, mais la suppression des inégalités de classe, c’est-à-dire la suppression des classes elles-mêmes, la suppression de l’esclavage salarié.

 

TOUS LES PROLETAIRES SONT DES SALARIES, TOUS LES SALARIES NE SONT PAS DES PROLETAIRES.

 

Les révisionnistes du Parti « Communiste » Français assimilent théoriquement tous les salariés aux exploités, tous les travailleurs aux prolétaires, et confondent volontairement les notions de « capitalistes » et de « bourgeois ». Certes, les inégalités sociales fondamentalement, et ainsi que l’enseigne le matérialisme dialectique, s’aggravent en régime capitaliste entre les profits et les salaires. Mais les inégalités sociales s’aggravent aussi entre hauts salaires et bas salaires. Il faut distinguer entre un haut salaire qui est une juste rémunération d’une qualification supérieure, et un haut salaire qui est le prix d’une complicité et d’une servilité indispensables à la survie du capitalisme. Cette dernière catégorie de salarié n’a aucun intérêt commun avec les intérêts des prolétaires et des autres classes et couches exploitées du pays.

 

LA STRUCTURE DU PROLETARIAT

 

Quels sont les éléments qui constituent le prolétariat ?

 

  • L’aristocratie ouvrière :

 

Nous trouvons au-dessus de la clase ouvrière, les étroites couches supérieures formant les éléments de l’aristocratie ouvrière. Pour la plupart, ils sont complètement et irrémédiablement corrompus par le réformisme, et prisonniers des préjugés bourgeois et impérialistes, tels que le « légalisme », le « parlementarisme », l’ « électoralisme », le « chauvinisme ». Sans lutter contre cette couche, sans ruiner tout son crédit parmi les ouvriers, sans persuader les masses prolétariennes que cette couche est totalement pervertie par la bourgeoisie, il ne saurait être question d’un mouvement communiste sérieux. C’est ainsi que Lénine a du combattre les théoriciens, les militants, les publicistes, les parlementaires sociaux-démocrates de style bourgeois, les « chefs » syndicaux et politiques de la Deuxième Internationale, issus de cette couche de la classe ouvrière, et qui préconisaient une voie « pacifique ». Pour faire triompher la voie révolutionnaire et marxiste, Lénine a du entreprendre contre eux une lutte à mort. C’est ainsi qu’aujourd’hui il faut combattre les révisionnistes modernes, qui ont répudié tout marxisme, aussi bien du point de vue politique, que du point de vue idéologique et organisationnel (« paix sociale », collaboration de classe, coexistence pacifique, défense de « ses » bourgeoisies, passage « pacifique » au socialisme,…). Ces éléments sont une poussée de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier, où ils répandent les préjugés bourgeois, freinent les luttes et font régresser le mouvement ouvrier dans son ensemble sur des positions réformistes : c’est en ce sens qu’ils constituent du point de vue politique, idéologique et organisationnel le dernier rempart de l’impérialisme. Cependant, ces éléments « embourgeoisés » constituent, de par leur situation objective (ils vendent leur force de travail) dans leur majorité, une couche de la clase ouvrière.

Quelle est la base sociale de cette couche de la classe ouvrière ?

Les bourgeoisies impérialistes, par le pillage des colonies à la fin du XIX° siècle et au XX° siècle, par le pillage des néocolonies à l’époque contemporaine, ont la possibilité de donner des subsides (sous forme de hauts salaires par exemple) à certaines couches des ouvriers de la métropole. Ces subsides ont pour but de corrompre essentiellement l’encadrement du mouvement ouvrier en général, et du mouvement socialiste en particulier. C’est ce qui est arrivé en ce qui concerne les « chefs » de la Deuxième Internationale (Bernstein, Kautsky, …). C’est ce qui arrive aux révisionnistes modernes. On pourrait dire de tout ce beau monde : « Dis-moi qui te paye et je te dirai qui tu es. »

C’est pourquoi on peut appeler ces éléments des « sociaux traîtres », des éléments « socialistes » en paroles, mais traîtres aux intérêts de leur classe dans les faits.

« Le capitalisme crée intentionnellement des catégories parmi les ouvriers, pour rallier à la bourgeoisie des couches supérieures infinies de la classe ouvrière ; les conflits avec celles-ci seront inévitables… aussi fort que puisse être le groupe des ouvriers privilégiés, le jugement d’un organe représentant tous les ouvriers sera pour eux sans appel. » (152)

 

  • Le lumpenprolétariat :

 

Nous trouvons en dessous des larges masses du prolétariat, le lumpenprolétariat, que l’on appelle encore dans nos pays civilisés, le « quart-monde ». En général, ce sont des éléments déclassés, qui vivent dans des conditions de misère (bidonville). Mais tout mouvement socialiste se doit de militer dans ce milieu, se lier à lui pour amener le maximum d’éléments sur des positions communistes. Cependant c’est dans ce milieu que la bourgeoisie recrute les éléments terroristes, fascistes et provocateurs :

« La racaille en haillons, cette pourriture inerte des couches les plus bases de l’ancienne société, peut se trouver parfois, d’un sursaut brusque, entraînée dans une révolution prolétarienne. Cependant ses conditions la feraient incliner à se laisser acheter pour favoriser des manœuvres réactionnaires. » (153)

 

  • L’avant-garde :

 

Ce sont les éléments avancés du prolétariat. C’est le « prolétariat révolutionnaire socialiste », celui qui a une conception du mode conséquente. C’est le prolétariat le plus « éduqué » par la société capitaliste et la grande industrie moderne, et il est porteur de la théorie révolutionnaire marxiste. C’est parmi cette couche du prolétariat que se recrutent essentiellement les véritables dirigeants prolétariens ; non pas que quelqu’un les ait désignés à ce rôle, mais ils sont désignés par leur courage et leur dévouement à la classe ouvrière tout entière. Cette avant-garde constitue en partie le Parti communiste marxiste-léniniste.

 

  • Les éléments arriérés :

 

Ce sont les éléments les plus hésitants du prolétariat, qui oscillent sans cesse entre le prolétariat et la bourgeoisie.

 

  • Le centre :

 

Le centre est formé par l’immense masse du prolétariat, aussi bien les travailleurs des usines que les ouvriers agricoles.

 

Ce qui est primordial pour un parti communiste, c’est d’être indissociablement lié à la masse ouvrière, de savoir y faire une propagande constante, de participer à chaque grève, de faire écho à chaque revendication de masses. Il s’agit de faire progresser sans cesse le mouvement socialiste et le mouvement ouvrier en général vers le but qu’est la révolution prolétarienne, en tirant à soi la masse prolétarienne sans jamais rompre avec les éléments arriérés. Cette progression doit se faire simultanément du point de vue politique, idéologique et organisationnel.

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6 février 2018 2 06 /02 /février /2018 23:56

 

LA DICTATURE DU PROLETARIAT (partie 37)

 

  1. LE RÔLE HISTORIQUE DU PROLETARIAT

 

  1. LE DEVELOPPEMENT DES CONDITIONS OBJECTIVES DE LA REVOLUTION SOCIALISTE

 

Dans le Chapitre XXXII de la Huitième section du Livre premier du Capital, Marx rassemble les conclusions de l’étude historique et économique de l’accumulation primitive du capital.

Avant l’ère capitaliste, au moyen âge, en Angleterre tout au moins, existait la petite entreprise, ayant pour base la propriété privée des moyens de production par l’ouvrier. L’accumulation dite primitive du capital a consisté dans l’expropriation de ces producteurs immédiats, c’est-à-dire dans la dissolution de la propriété privée reposant sur le travail personnel :

« Ainsi donc ce qui gît au fond de l’accumulation primitive du capital, au fond de sa genèse historique, c’est l’expropriation du producteur immédiat, c’est la dissolution de la propriété fondée sur le travail personnel de son possesseur. » (146)

On a arraché les moyens de travail et si cela fut possible, c’est parce que la petite entreprise n’est compatible qu’avec les limites naturelles et étroites de la production du moyen age : ainsi donc, la petite production, en se développant, produit elle-même les moyens matériels de son propre anéantissement.

Il y a accroissement quantitatif d’abord, puis transformation de la quantité en qualité, progrès par bond, c’est-à-dire ici passage de la petite production féodale à la grande production capitaliste. Cet anéantissement, cette transformation des moyens de production individuels et dispersés en moyens concentrés socialement est la source du capital.

L’évolution ultérieure de cette propriété privée des moyens de travail prend une forme vivante dès la naissance du mode de production capitaliste : celle de l’appropriation privée des moyens de production et de la production dans les mains d’une minorité, et le dénuement total d’une majorité qui n’a que sa force de travail à vendre :

« Dès que ce procès de transformation a décomposé suffisamment et de fond en comble la vieille société, que les producteurs sont changés en prolétaires et leurs conditions de travail en capital, qu’enfin le régime capitaliste se soutient par la seule force économique des choses, alors la socialisation ultérieure du travail (…) en un mot, l’élimination ultérieure des propriétés privées – va revêtir une nouvelle forme. Ce qui est maintenant à exproprier, ce n’est plus le travailleur indépendant, mais le capitaliste, le chef d’une armée ou d’une escouade de salariés. » (147)

Ce qui est brièvement résumé ici, et que Marx démontre par l’histoire par ailleurs, sont les faits suivants : de même qu’autrefois la petite entreprise du mode de production féodal par son évolution a, de façon nécessaire, engendré les conditions de son anéantissement, c’est-à-dire de l’expropriation des petits producteurs, de même aujourd’hui le mode de production capitaliste a engendré également les conditions matérielles et les forces subjectives qui le feront tout aussi nécessairement disparaître. C’est un processus qui comprend des conditions matérielles et des forces sociales subjectives : l’organisation de la grande production sociale et l’organisation du prolétariat en classe et donc aussi en parti politique.

« Les armes dont la bourgeoisie s’est servie pour abattre la féodalité se retournent aujourd’hui contre elle. Mais la bourgeoisie n’a pas seulement forgé les armes qui la tueront, elle a produit aussi les hommes qui les manieront : les ouvriers modernes, les prolétaires. » (148)

En France, la bourgeoisie, et sous sa direction l’ensemble du peuple, a détruit par la Révolution de 1789 la vieille superstructure pourrie du mode de production féodal, et par un seul et même mouvement, elle a créé un nouveau type d’Etat, l’Etat capitaliste. Par la création de cet Etat et la destruction de l’ancien, elle s’est donnée les conditions politiques et idéologiques correspondant à ses besoins et à ses intérêts de classe.

Du point de vue de l’infrastructure (la sphère économique), la création de ce milieu « naturel » de la bourgeoisie lui a fait faire un formidable bond en avant : son développement fut si rapide qu’il a très tôt placé la bourgeoisie dans la même situation que la noblesse avant 1789, c’est-à-dire dans la situation d’une classe non seulement socialement superflue, mais encore une classe qui fait obstacle aux intérêts généraux de progrès de la société en général, une classe qui ne fait qu’encaisser des revenus sans rien produire.

Cette transformation s’est faite contre la volonté de la bourgeoisie elle-même et s’est imposée à elle contre son gré, et uniquement d’après les lois de développement interne du mode de production capitaliste et de la formation sociale. Les propres forces de production de la bourgeoisie sont devenues telles qu’elles sont trop puissantes pour obéir à la direction de la bourgeoisie, et doivent passer sous la direction du prolétariat et de la société entière. Ces forces prodigieuses poussent comme sous l’effet d’une nécessité naturelle toute la société bourgeoise au devant de sa ruine et de la barbarie de la société entière… ou d’une révolution prolétarienne.

« Les forces productives dont (la bourgeoisie) dispose ne servent plus à faire avancer le régime de la propriété bourgeoise – elles sont devenues au contraire trop puissantes elle, qui leur fait obstacle ; et toutes les fois que les forces sociales productives triomphent de cet obstacle, elles jettent dans le désordre toute la société bourgeoise et menacent l’existence de la propriété bourgeoise. Les rapports bourgeois sont devenus trop étroits pour contenir les richesses qu’ils ont créées. » (149)

Sous le régime de la bourgeoisie, tout développement nouveau, toute innovation politique ou idéologique, ne peuvent qu’accroître les inégalités et l’oppression. Cela peut durer jusqu’à ce que cette inégalité et cette oppression soient poussées jusqu’à leur comble et se transforment en leurs contraires : l’égalité et la liberté. Devant un despote que constituera la classe bourgeoise capitaliste, tout le monde sera égal, c’est-à-dire égal à zéro : le fruit sera alors suffisamment mûr pour tomber.

 

  1. LE DEVELOPPEMENT DES CONDITIONS SUBJECTIVES DE LA REVOLUTION SOCIALISTE

 

  1. LE PROLETARIAT

 

Le prolétariat est un des contraires de la contradiction fondamentale du capitalisme, nouveau processus social surgi de l’ancien processus féodal. L’autre contraire de la contradiction fondamentale est la bourgeoisie capitaliste. Le prolétariat est une classe sociale aliénée des moyens de production et obligée pour vivre de vendre sa force de travail au capital :

« Dès sa naissance, la bourgeoisie était grevée de son contraire ; les capitalistes ne peuvent pas exister sans salariés et à mesure que le bourgeois des corporations du moyen âge devenait le bourgeois moderne, dans la même mesure le compagnon des corporations et le journalier libre devenait le prolétaire. » (150)

Pour définir le prolétariat, nous allons répondre aux questions de son origine, de son rôle historique, de son développement et des armes de ce développement. Cependant de nos jours l’existence du prolétariat est mise en cause, et il convient de répondre d’abord à deux questions : le prolétariat existe-t-il encore ? Le prolétariat est-il une catégorie socioprofessionnelle ?

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6 février 2018 2 06 /02 /février /2018 00:15

 

 

LA DICTATURE DU PROLETARIAT (partie 36)

 

QUELLES FURENT LES ARMES DE LA BOURGEOISIE ?

 

Si la bourgeoisie est parvenue à conquérir le pouvoir économique c’est grâce à la transformation de l’état économique de la société entière. Ses armes décisives furent ses moyens de puissance économiques ; ceux-ci se développaient et s’accroissaient sans cesse par le développement de l’industrie artisanale d’abord, ensuite par le développement de la manufacture et l’extension du commerce. Pendant toute cette lutte, la puissance politique était surtout du côté de la noblesse.

Par exemple, en France, il n’y avait pas eu de changement dans les conditions politiques : mais l’état économique s’était largement transformé et cette transformation se poursuivait sans arrêt. Bientôt la situation économique créée était trop avancée par rapport aux conditions politiques existantes. C’est ce qu’exprime le slogan politique de l’abbé Sieyès : »Qu’est-ce que le tiers-état ? Tout. Qu’a-t-il été jusqu’à présent ? Rien. Que demande-t-il ? A devenir quelque chose. » Au point de vue politique, la noblesse était tout et la bourgeoisie n’était rien. Au point de vue social, la bourgeoisie était devenue la classe la plus importante de l’Etat, alors que la noblesse avait au fur et à mesure vu lui échapper ses fonctions sociales l’une après l’autre. De plus la production était restée prisonnière des anciennes formes politiques féodales du moyen âge. Celles-ci apparaissaient maintenant comme rétrogrades. La production, par le développement prodigieux des forces productives qu’elle avait connu par la manufacture, était devenue trop grande pour ces vieilles formes politiques, adaptées à la petite production du moyen âge. La grande production était restée prisonnière des privilèges corporatifs et des barrières locales et provinciales. C’étaient là autant de brimades et d’entraves auxquelles la révolution bourgeoise mit fin. La transformation de l’état économique sous la direction de la bourgeoisie devait être suivie à un moment ou à un autre, de façon plus « pacifique » comme en Angleterre, ou par la lutte révolutionnaire comme en France, par une transformation des situations politiques. Ainsi la Révolution française de 1789 est la résolution de la contradiction entre le développement des forces productives et les rapports de production féodaux maintenus par la noblesse. La bourgeoisie les a remplacé par les siens propres, c’est-à-dire correspondant à ses intérêts de classe, la « liberté » bourgeoise et la « démocratie » bourgeoise :

« Quiconque considère l’histoire de façon consciente dira que la Révolution française, bien qu’écrasée, a quand même triomphé, parce qu’elle a donné au monde entier les assises de la démocratie bourgeoise, de la liberté bourgeoise qui ne pouvaient plus être éliminées. » (141)

La bourgeoisie avait pour alliée l’ensemble des classes opprimées par le féodalisme (le « tiers-état ») et la partie la plus consciente de l’aristocratie. Les philosophes des lumières, tels Voltaire, Rousseau, Diderot, D’Holbach, Helvétius…, avaient préparé par une lutte idéologique cette transformation, cette révolution capitaliste, cet avènement de la classe bourgeoise, en luttant contre l’idéologie passée (christianisme officiel, superstitions, obscurantisme). Ils préparaient le règne de la bourgeoisie en l’idéalisant sous la forme d’une lutte inconciliable entre la Raison, les « lumières » et les obscurantismes religieux, politiques et autres. Mais :

« Nous savons aujourd’hui que ce règne de la raison n’était rien d’autre que le règne idéalisé de la bourgeoisie, que la justice éternelle trouva sa réalisation dans la justice bourgeoise ; que l’égalité aboutit à l’égalité bourgeoise devant la loi ; que l’on proclama comme l’un des droits essentiels de l’homme … la propriété bourgeoise ; et que l’Etat rationnel, le contrat social de Rousseau ne vint au monde, et ne pouvait venir au monde, que sous la forme d’une République démocratique bourgeoise. » (142)

 

  1. BOURGEOISIE ET PROLETARIAT

 

Voilà donc le rôle de la bourgeoisie : elle a en tant que classe, dans un seul et même mouvement, d’une part libéré l’ensemble de la société des entraves féodales et éliminé les inégalités féodales, et d’autre part instauré la servitude salariale des autres classes en général, de la société en instituant « l’égalité des droits » (l’égalité bourgeoise). Ainsi, le nouveau mode de production capitaliste portait en lui-même dès sa naissance la contradiction entre un travailleur « libre » mais coupé (« aliéné ») des moyens de production, et le capitaliste qui a la propriété privée des moyens de production, contradiction entre le développement des forces productives de plus en plus sociales et les rapports de production, contradiction entre une minorité de capitalistes propriétaires des moyens de production et des produits et une majorité dépourvue de tout.

« Cependant, on le sait, à compter de l’instant où la bourgeoisie sort de sa chrysalide de bourgeoisie féodale, où l’ordre médiéval se mue en classe moderne, elle est sans cesse et inévitablement accompagnée de son ombre le prolétariat. Et de même, les revendications bourgeoises d’égalité sont accompagnées de revendications prolétariennes d’égalité. De l’instant où est posé la revendication bourgeoise d’abolition des privilèges de classe, apparaît à côté d’elle la revendication prolétarienne d’abolition des classes elles-mêmes. (…) Les prolétaires prennent la bourgeoisie au mot : l’égalité ne doit pas seulement être établie en apparence, seulement dans le domaine de l’Etat, elle doit l’être aussi réellement dans le domaine économique et social (…) Le contenu réel de la revendication prolétarienne d’égalité est la revendication de l’abolition des classes. » (143)

 

 Nous allons donc analyser maintenant de quelle façon le développement de la contradiction au sein du mode de production et de la formation sociale capitaliste (exploiteurs – exploités ; bourgeoisie – prolétariat) vise à faire de la bourgeoisie elle-même un obstacle social, comment le prolétariat accomplit son rôle qui est d’éliminer cet obstacle social, et comment ce rôle lui est attribué par sa situation sociale objective dans le mode de production.

  1. « (…) la grande industrie moderne a créé un prolétariat, une classe qui, pour la première fois dans l’histoire, peut revendiquer l’abolition non pas de tel ou tel privilège de classe particulier ou de telle ou telle organisation de classe particulière, mais des classes en général et qui est placé devant l’obligation de réaliser cette revendication sous peine de tomber dans la condition du coolie chinois. »
  2. « (…) la même grande industrie a créé dans la bourgeoisie une classe qui a le monopole de tous les instruments de production et moyens de subsistance, mais qui, dans toute période de fièvre de la production, prouve qu’elle est devenue incapable de continuer à régner sur les forces productives qui échappent à sa puissance ; classe sous la conduite de laquelle la société court à sa ruine… » (144)

 

Il s’agit d’analyser le processus qui a fait notre époque moderne, processus qui vise à transformer l’aspect principal de la contradiction, la bourgeoisie, en aspect secondaire et inversement, à transformer l’aspect secondaire, le prolétariat, en aspect principal : c’est-à-dire la nécessité inéluctable de la révolution prolétarienne et de la prise du pouvoir par le prolétariat. Dans cette perspective, le prolétariat, adossé aux autres couches et classes populaires, et à leur tête, est la seule force humaine qui soit capable de contrôler le déroulement de l’histoire, de le prendre en charge et d’empêcher l’écroulement dans la barbarie d’une civilisation qui se détruit elle-même. En ce sens, il existe un intérêt général de l’humanité. Mais il s’identifie aux intérêts de la classe montante : aujourd’hui, le prolétariat. Il existe aussi un intérêt général du capitalisme. Il s’identifie aux intérêts de la classe bourgeoise : aujourd’hui il mène à dépolitiser les masses populaires, à les écarter de toute action violente, de tout affrontement avec l’Etat :

« La société ne peut plus vivre sous la domination (de la bourgeoisie) : c’est dire que l’existence de la bourgeoisie n’est plus compatible avec l’existence de la société. » (145)

 

La question : « comment se produit ce processus ? » devient alors la question : « qu’est-ce que le prolétariat ? ». Pour le définir il est indispensable d’en connaître et d’en étudier la genèse, c’est-à-dire sa formation progressive. Il s’agit ici d’esquisser la formation théorique et pratique du prolétariat. Cette formation tout comme la formation de la bourgeoisie, n’échappe pas à la loi du matérialisme dialectique : bourgeoisie et prolétariat forment l’unité de deux contraires. La question peut se subdiviser pareillement que la question concernant la bourgeoisie : quelle est l’origine, quels sont le développement et le rôle historique du prolétariat ?

 

 

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6 février 2018 2 06 /02 /février /2018 00:13

 

 

LA DICTATURE DU PROLETARIAT (partie 35)

 

  1. LES LIMITES DE LA REVOLUTION BOURGEOISE

 

Quel est l’aspect négatif de la révolution bourgeoise ?

« Le mode de production capitaliste se présente comme une nécessité historique pour transformer le travail isolé en travail social ; mais, entre les mains du capital, cette socialisation du travail n’en augmente les forces productives que pour l’exploiter avec plus de profit. » (135)

A quoi cela est-il dû ?

Au moyen âge, la propriété des produits reposait sur le travail personnel. C’est-à-dire le paysan, ou l’artisan, fabriquait son produit à l’aide de matières premières qui lui appartenaient, à l’aide de ses propres moyens de travail et de son propre travail manuel (ou de celui de  sa famille).

Avec l’apparition du mode de production capitaliste, caractérisé par la production sociale des produits, à l’aide de moyens de production sociaux (machine à filer, métier mécanique, marteau à vapeur), moyens de production utilisés par un ensemble d’hommes réuni dans les fabriques (travail social), on traite moyens de production et produits comme s’ils étaient restés moyens de production et produits d’individus (la classe capitaliste).

Il convient de saisir la différence entre les deux formes d’appropriation du produit.

L’artisan du moyen âge, possesseur de ses moyens de travail, s’approprie le produit parce que, en général, c’est son produit : il est dû à son travail individuel.

Dans le mode de production capitaliste, le possesseur des moyens de travail continue à s’approprier le produit, alors que ce n’est pas le sien propre, mais qu’il est dû au travail d’autrui : le produit, créé socialement n’est pas approprié par le travailleur qui a mis en œuvre les moyens de production sociaux et a réellement fabriqué le produit mais il est approprié par le capitaliste.

 

Il y a contradiction entre le caractère social des moyens de production et la production, et une appropriation privée qui présuppose la production privée d’individus, et la propriété privée des produits. Alors que les conditions de l’appropriation privée ont disparu, on continue d’assujettir le mode de production à celle-ci.

Cette contradiction donne au nouveau mode de production son caractère capitaliste (production sociale -- appropriation capitaliste). Dans cette contradiction est en germe toute la grande collision actuelle entre exploiteurs et exploités, bourgeois et prolétaires. Au fur et à mesure où le nouveau mode de production arrivait à dominer dans tous les secteurs et réduisait la production individuelle à quelques restes, cette incompatibilité entre la production sociale par les travailleurs et l’appropriation privée par les capitalistes apparaissait de plus en plus aiguë. C’est cette contradiction qui constitue la base des transformations du mode de production lui-même :

« La seule voie réelle, par laquelle un mode de production et l’organisation sociale qui lui correspond changent, marchent à leur dissolution et à leur métamorphose, est le développement de leurs antagonismes immanents. » (136)

 

Nous avons vu l’aspect positif de la révolution bourgeoise : la transformation du travail isolé en travail social. Nous avons ici l’aspect négatif : l’appropriation privée par le capitaliste de la production sociale. Lénine a admirablement résumé ces deux aspects du capitalisme :

« Le capitalisme est progressif, car il détruit les anciens modes de production et développe les forces productives ; mais en même temps, à un certain degré de développement, il entrave la croissance des forces productives ? Il développe, il organise, il discipline les ouvriers, et il pèse, il opprime, il conduit à la dégénérescence, à la misère, etc. Le capitalisme crée lui-même son fossoyeur, il crée lui-même les éléments d’un régime nouveau et, en même temps, sans « bonds », ces éléments isolés ne changent rien à l’état de chose général, ne touchent pas la domination du capital. Ces contradictions de la vie réelle, de l’histoire vivante du capitalisme et du mouvement ouvrier, le marxisme, comme théorie du matérialisme dialectique, s’entend à les interpréter. » (137)

D’un côté, l’avènement de la bourgeoisie s’est fait par une lutte victorieuse contre la féodalité et le pouvoir féodal avec ses privilèges, et le régime corporatif qui empêchait le libre développement de la production et la libre exploitation de l’homme par l’homme.

De l’autre côté, le progrès qu’accomplit cette lutte victorieuse ne fait que transformer la forme de l’asservissement, ne fait que métamorphoser l’exploitation féodale en exploitation capitaliste.

A noter que, très rapidement après la naissance du système capitaliste, l’aspect négatif l’a emporté sur l’aspect positif.

« L’ensemble du développement embrassant à la fois la genèse du salarié et celle du capitaliste, a pour point de départ la servitude des travailleurs. » (138)

 

  1. LES CONDITIONS SUBJECTIVES DE LA REVOLUTION BOURGEOISE

 

« La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire. Là où elle prit le pouvoir elle détruisit toutes les relations féodales, patriarcales, idylliques. » (139)

 

  1. BOURGEOISIE ET FEODALITE

 

Quelle est la genèse du capitaliste et du prolétaire ? Quoique cette genèse soit commune au capitaliste et à l’ouvrier, et fondée sur la servitude de l’ouvrier, nous allons, pour les besoins de l’analyse, l’expliquer en deux temps : et d’abord quels sont l’origine, le développement et les armes de ce développement propres à la bourgeoisie ?

 

QUELLE EST L’ORIGINE DE LA BOURGEOISIE ?

 

La bourgeoisie en tant que classe sociale est née et s’est développée dans la lutte contre le féodalisme : sa base économique est comme nous l’avons vu, la socialisation de la production et l’appropriation privée des moyens de production utilisés collectivement et des produits par les capitalistes.

La bourgeoisie appartenait d’abord à un ordre opprimé par la noblesse féodale. La bourgeoisie était tributaire de la noblesse. La noblesse régnante possédait tout le pouvoir politique.

La base économique et sociale de cet ordre qui allait devenir la bourgeoisie était recrutée parmi les corvéables et les serfs de toutes catégories qui s’installaient dans les villes et formaient essentiellement la couche sociale des artisans.

 

QUEL EST LE DEVELOPPEMENT DE LA BOURGEOISIE ?

 

La tâche de la bourgeoisie était de se libérer (et de libérer l’ensemble du peuple par la même occasion) des entraves féodales et d’éliminer les inégalités féodales qui étouffaient et freinaient son développement propre. Pour ce faire, elle devait arracher le pouvoir politique à la noblesse. Lutte sans répit contre la noblesse, la bourgeoisie a conquis un poste de pouvoir après l’autre. Finalement, elle a pris le pouvoir politique sans partage dans les pays les plus avancés.

Par exemple, en Angleterre, cela s’est produit en embourgeoisant la noblesse. La bourgeoisie s’est incorporée la noblesse comme étant un de ses appendices propres.

En France, cela s’est produit en renversant directement la noblesse ; la bourgeoisie s’est émancipée économiquement et politiquement par la Révolution française de 1789 :

« Prenez la grande Révolution française. Ce n’est pas sans raison qu’on la qualifie de « grande ». Pour la classe qu’elle a servie, la bourgeoisie, elle a fait tant que tout le XIX° siècle, ce siècle qui a donné la civilisation et la culture à toute l’humanité, s’est écoulé sous le signe de la Révolution française. Dans tous les coins du monde, ce siècle n’a fait que mettre son œuvre, réaliser par parties, parachever ce qu’avaient créé les grands révolutionnaires de la bourgeoisie française dont ils servaient les intérêts sans en avoir conscience, sous le couvert de phrases sur la liberté, l’égalité et la fraternité. » (140)

 

 

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6 février 2018 2 06 /02 /février /2018 00:09

 

LA DICTATURE DU PROLETARIAT (partie 34)

 

CHAPITRE III

 

LE PROLETARIAT

 

« Marx et Engels enseignaient que le prolétariat industriel est la classe la plus révolutionnaire et, par conséquent la classe la plus avancée de la société capitaliste ; que seule une classe comme le prolétariat peut rallier autour d’elle toutes les forces qui sont mécontentes du capitalisme, et les mener à l’assaut du capitalisme. Mais pour vaincre le vieux monde et créer une société nouvelle, sans classes, le prolétariat doit avoir son propre parti ouvrier, que Marx et Engels appelaient parti communiste. » Staline

 

Dans la formation sociale où domine le mode de production capitaliste le sort du prolétariat apparaît indissociablement lié au sort de la bourgeoisie. Les deux classes se définissent par opposition l’une à l’autre.

L’acte de naissance du prolétariat et de la bourgeoisie, en tant que classes antagonistes, est le même : c’est la révolution bourgeoise et la destruction du mode de production féodal. Dès lors les rapports de la bourgeoisie au prolétariat sont des rapports de classe dominante à classe dominée, d’exploiteurs à exploités, d’oppresseurs à opprimés.

Le prolétariat s’éduque en menant sa lutte de classe contre la bourgeoisie, par le socialisme scientifique et par le développement de la grande industrie moderne.

 

  1. LE RÔLE HISTORIQUE DE LA BOURGEOISIE

 

Dans la phase ascendante de la classe bourgeoise, son rôle historique fut éminemment révolutionnaire, c’est-à-dire que la révolution bourgeoise a marqué un progrès de la lutte de classe. Les tâches accomplies alors par la bourgeoisie furent :

« … la destruction effectivement révolutionnaire de la féodalité qui avait fait son temps, l’adoption par le pays tout entier avec une promptitude, une résolution, une énergie et une abnégation vraiment démocratiques et révolutionnaires d’un mode supérieur de production, la libre possession du sol par les paysans. » (130)

Quelles furent les conditions objectives et les forces subjectives qui permirent la complète réalisation de ces tâches à la bourgeoisie ?

 

  1. LES CONDITIONS OBJECTIVES DE LA REVOLUTION BOURGEOISE

 

  1. LE MOYEN ÂGE

 

Avant la production capitaliste, c’est-à-dire au moyen âge, où le mode de production féodal était déterminant, on est en présence partout de la petite production. Cette petite production est fondée par la propriété privée des travailleurs sur leurs moyens de travail différents artisanats dans les villes. Les moyens de travail (la terre, les instruments aratoires pour les petits paysans ; l’atelier, les outils pour les artisans) étaient les moyens de travail de l’individu : ils étaient calculés pour un usage individuel. Donc ils étaient nécessairement limités, se réduisant à peu de choses : et pour cette raison même, ils appartenaient au producteur lui-même.

Donc la féodalité se caractérise en général par des moyens de travail limités, individuels et propriété privée des travailleurs.

 

  1. LA REVOLUTION CAPITALISTE

 

Le rôle historique du mode de production capitaliste, et de la classe qui en est le support, la bourgeoisie, a été de concentrer et d’élargir les moyens de production jusque là dispersés et étriqués. Ces moyens de production se sont développés sous le règne de la bourgeoisie jusqu’à devenir les moyens de la production que nous connaissons actuellement :

« Une multitude d’ouvriers fonctionnant en même temps sous le commandement du même capital, dans le même espace (ou si l’on veut, sur le même champ de travail), en vue de produire le même genre de marchandises, voilà le point de départ historique de la production capitaliste. » (131)

Dans la quatrième section du livre premier du Capital, Marx décrit dans les moindres détails la façon dont la bourgeoisie s’est acquittée de cette tâche, depuis le XV° siècle, en passant par trois formes :

  • La coopération simple ;
  • La manufacture ;
  • La grande industrie.

 

Mais comme Marx le prouve dans ce même endroit, la bourgeoisie ne pouvait pas transformer les moyens de travail limités de l’individu du moyen âge en puissantes forces productives sans transformer aussi ces moyens de production limités de l’individu du moyen âge en moyens de production sociaux, utilisables seulement par un ensemble d’hommes :

« …L’emploi d’un personnel nombreux amène une révolution dans les conditions matérielles du travail. (…) Les moyens de production servent à plusieurs ouvriers simultanément : leur usage devient commun. » (132)

Ainsi, la concentration et l’élargissement des moyens de production font que ceux-ci sont exploités collectivement. Par exemple là où on trouvait : le rouet, le métier à tisser, le marteau du forgeron, sont apparus : la machine à filer, le métier mécanique, le marteau à vapeur. Ces nouveaux instruments, qui remplacent l’outil de l’artisan individuel, ne peuvent être exploités que collectivement. Ainsi, au lieu de l’atelier individuel, est née la fabrique qui commande la coopération de centaines de milliers d’hommes.

Les deux aspects de la fabrique sont définis ainsi par Lénine :

« La fabrique, qui à d’aucuns semble seulement un épouvantail, est la forme supérieure de la coopération capitaliste, qui a groupé, discipliné le prolétariat, qui a enseigné l’organisation, qui l’a mis à la tête de toutes les catégories de la population laborieuse et exploitée. C’est le marxisme, idéologie du prolétariat éduqué par le capitalisme, qui a enseigné et enseigne, (…) la différence entre le côté exploiteur de la fabrique (discipline reposant sur la crainte de mourir de faim), et son côté organisateur (discipline reposant sur le travail en commun résultant d’une technique hautement développée). » (133)

 De même que les moyens de production, la production elle-même se transforme d’une série d’actes individuels en produits sociaux. C’est-à-dire le fil, le tissu, la quincaillerie qui sortent de la fabrique sont le produit collectif de nombreux ouvriers réunis : ces produits avant d’être finis passaient par les mains de chaque ouvrier. Le produit est un produit social et aucun des ouvriers particuliers ne peut le revendiquer comme étant le sien.

Alors qu’au moyen âge, les produits de l’artisan ou du paysan étaient leurs produits propres, individuels, dans le mode de production capitaliste, les produits sont ceux d’un travailleur collectif, la production est sociale. Dans le premier cas, l’artisan et le paysan produisent des marchandises, dans le second cas, ce n’est pas l’ouvrier individuel qui produit des marchandises, mais le travailleur collectif.

« Mais qu’est-ce qui constitue le rapport entre les travaux indépendants (de l’artisan ou du paysan) ? C’est que leurs produits respectifs sont des marchandises. Et qu’est-ce qui caractérise au contraire la division manufacturière du travail ? C’est que les travailleurs parcellaires ne produisent pas de marchandises. Ce n’est que leur produit collectif qui devient marchandise. » (134)

La production individuelle (artisanale ou agricole) succombera dans un domaine après l’autre, et la production sociale révolutionnera tout le vieux mode de production féodal : d’un côté, production sociale des produits, de l’autre côté, production individuelle des produits, d’un côté, travail social, de l’autre côté, travail isolé. L’aspect positif de la révolution bourgeoise est d’avoir substitué la production sociale à la production individuelle, le travail social au travail isolé.

 

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5 février 2018 1 05 /02 /février /2018 00:31

 

 

LA DICTATURE DU PROLETARIAT (partie 33)

 

  1. LA DEMOCRATIE NOUVELLE

 

Le régime d’Etat de la démocratie nouvelle est une forme d’Etat transitoire entre l’Etat capitaliste et l’Etat socialiste. Il est apparu dans la phase précédant la démocratie populaire, dans des pays jusque-là dominés par l’impérialisme, le colonialisme et le fascisme. Il assure la « dictature conjointe de plusieurs classes anti-impérialistes ». Il a été théorisé par Mao Tsetoung dans le cas particulier de la Chine. Le Vietnam du Nord a connu aussi une phase de démocratie nouvelle, tout comme plusieurs pays d’Europe centrale et orientale immédiatement après la fin de la deuxième guerre mondiale. Dans le cas de ces derniers pays, Jdanov qualifia, en 1947, leur système de « nouvelle démocratie ». Mao Tsetoung a aussi employé la formule « démocratie populaire ». Il convient donc d’éviter toute erreur assimilant une démocratie populaire, dictature conjointe de plusieurs classes, et une démocratie populaire, assurant la fonction de la dictature du prolétariat. Ce sont deux formes étatiques différentes.

 

La forme étatique de la dictature du prolétariat instaurée dans un pays où la révolution socialiste a brisé un Etat subordonné au capitalisme monopoliste (donc parvenu au stade capitaliste monopoliste d’Etat) n’a pas encore fait l’objet d’une seule expérience concrète. Sa théorisation reste donc difficile à élaborer sinon impossible.

 

  1. L’APPORT DE LA COMMUNE DE PARIS A LA THEORIE MARXISTE DE L’ETAT

 

En 1847, Marx et Engels avaient découvert que la lutte de classes constitue le moteur de l’histoire. Mais l’expérience de la Commune de Paris fournit à Marx la démonstration que « la classe ouvrière ne peut pas simplement s’emparer de la machine d’Etat toute prête et la mettre en marche pour la faire servir à ses propres fins… » Comme l’indiquait le Manifeste du parti communiste. Dans la Guerre civile en France (1871) et à l’occasion des lettres ou préfaces concernant cet ouvrage sur la Commune de Paris, Marx développa l’idée que la classe ouvrière doit briser, démolir « la machine d’Etat toute prête » et ne pas se borner simplement à s’en emparer.

Lénine, dans L’Etat et la Révolution préserva et développa cette idée fondamentale de Marx :

« « Briser la machine bureaucratique et militaire », c’est en ces mots que se trouve brièvement exprimée la principale leçon du marxisme sur les tâches du prolétariat dans la révolution à l’égard de l’Etat. » (125)

Mao Tsetoung assigna les tâches de la révolution d’une manière encore plus claire si possible :

« La tâche centrale et la forme suprême de la révolution c’est la conquête du pouvoir par la lutte armée, c’est résoudre le problème par la guerre. Ce principe révolutionnaire du marxisme-léninisme est valable partout. » (126)

Et par quoi remplacer la machine d’Etat démolie ? La République prolétarienne socialiste de la Commune de Paris avait commencé à créer un Etat dont « le premier décret… supprima l’armée permanente et la remplaça par le peuple en arme », puis supprima toute la « bureaucratie », remplaça le parlementarisme par « une assemblée non parlementaire mais agissante, ayant en même temps le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ». Lénine dit :

« La Commune est la première tentative faite par la révolution prolétarienne pour briser la machine d’Etat bourgeoise, c’est la forme politique « enfin trouvée » par quoi l’on peut remplacer ce qui a été brisé… les révolutions russes de 1905 et de 1917, dans une situation différente, en d’autres conditions, continuent l’œuvre de la Commune et confirment la géniale analyse historique de Marx. » (127)

Cette forme du premier Etat prolétarien de l’histoire fut, en 1871, la première expérience de dictature du prolétariat

 

  1. CRITIQUES DES THEORIES NON-PROLETARIENNES DE L’ETAT

 

  1. Le révisionnisme renonce à la dictature du prolétariat.

Critiquant les sociaux-démocrates de la Deuxième Internationale, les révisionnistes de l’époque, Lénine précisait en 1917, peu avant la Révolution :

« Celui-là seul est un marxiste qui étend la reconnaissance de la lutte des classes jusqu’à la reconnaissance de la dictature du prolétariat. » (128)

Ce critère fondamental permet de nos jours de démasquer les révisionnistes modernes comme représentants de la bourgeoisie au même titre qu’hier le furent par Lénine tous les opportunistes et réformistes comme Kautsky et Bernstein.

Par exemple Khrouchtchev et ses successeurs ont prétendu parvenir au communisme dans un bref délai. En s’appuyant sur cette fanfaronnade, ils ont avancé leur théorie révisionniste de l’ « Etat du peuple tout entier », se substituant à la dictature du prolétariat. Mais ce ne fut là qu’un stratagème pour permettre à une nouvelle bourgeoisie d’usurper, après la mort de Staline, le pouvoir soviétique, de le transformer dans le sens de sa domination et de ses intérêts de classe opposés à ceux de l’immense prolétariat soviétique. Et finalement, ils ont établi de nouveau la dictature de la bourgeoisie sous une forme étatique « sociale fasciste ».

 

  1. L’anarchisme

Les anarchistes veulent limiter la révolution à briser l’Etat de la bourgeoisie sans le remplacer par la dictature du prolétariat.

Cette attitude erronée correspond à leur méconnaissance théorique de l’origine et de la nature de l’Etat, instrument de domination d’une classe sur une autre classe opprimée. Elle revient à supposer qu’après la révolution disparaissent les antagonismes de classes et les classes elles-mêmes, alors qu’en réalité ce processus est infiniment plus complexe et plus long et ne disparaîtra pas, jusqu’au communisme.

Les anarchistes veulent instaurer une société « sans classe », mais ils ne s’en donnent nullement les moyens car, pour démolir, briser l’Etat de la bourgeoisie, il faut d’abord instaurer la force capable de mener cette tâche historique jusqu’au bout, c’est-à-dire la dictature du prolétariat. La révolution prolétarienne ne peut se passer de l’Etat de dictature du prolétariat pour accomplir complètement la destruction de l’Etat bourgeois.

 

  1. LE COMMUNISME ET LE DEPERISSEMENT DE L’ETAT

 

Marx qualifie le socialisme de « première phase de la société communiste ». Pendant cette phase qui assure la transition du capitalisme au communisme, subsiste l’Etat. Les expériences d’édification du socialisme, expériences victorieuses en Union soviétique et en République populaire de Chine, nous montrent que l’étape du socialisme est longue et ardue ; pendant cette période, la bourgeoisie ne se tient jamais pour battue, et la réaction essaye de prendre sa revanche de l’intérieur (révisionnisme) ou de l’extérieur (encerclement impérialiste). Dans toute cette période, le problème consiste à faire régner l’idéologie prolétarienne.

Par sa victoire, la Grande Révolution Prolétarienne Culturelle en Chine a incrusté plus solidement l’Etat de dictature du prolétariat. La voie suivie par cet Etat socialiste est fondamentalement inverse de la voie suivie par Khrouchtchev et ses successeurs, qui ont essayé et réussi à diluer la dictature du prolétariat dans un « Etat du peuple tout entier ».

Donc, l’Etat socialiste (dictature du prolétariat) assure la démocratie pour l’immense majorité du peuple et réprime par la force les exploiteurs et oppresseurs du peuple ; il assure aussi l’hégémonie prolétarienne par la refonte idéologique, morale et culturelle de l’homme. Engels s’exprime à ce sujet en écrivant :

« Tant que le prolétariat a besoin de l’Etat ce n’est point pour la liberté mais pour réprimer ses adversaires et le jour où l’on pourra parler de liberté il n’y aura plus d’Etat. » (129)

« Seul le communisme rend l’Etat superflu – écrit Lénine – car il n’y a alors personne à réprimer, « personne » dans le sens de classe, dans le sens de lutte systématique contre une partie déterminée de la population. »

 

 

 

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5 février 2018 1 05 /02 /février /2018 00:28

 

LA DICTATURE DU PROLETARIAT (partie 32)

 

          1. LES FORMES CONTEMPORAINES DE L’ETAT

 

Il n’existe plus, ou seulement de manière tout à fait exceptionnelle, d’Etats caractéristiques du type de société esclavagiste. Les Etats de type féodal tendent à disparaître. Mao Tsetoung écrivait en 1939 :

« Les nombreux régimes d’Etats qui existent dans le monde peuvent donc être ramenés à trois types fondamentaux, d’après le caractère de classe du pouvoir politique :

a) La république de dictature bourgeoise ;

b) La république de dictature prolétarienne ;

c) La république de dictature conjointe de plusieurs classes révolutionnaires. »

Il y a donc : l’Etat capitaliste, l’Etat socialiste et l’Etat de démocratie nouvelle.

 

  1. L’ETAT CAPITALISTE

 

Il assure la domination de la classe bourgeoise sur le prolétariat, sous trois formes essentielles : la monarchie, la démocratie bourgeoise et le fascisme :

« En expliquant le caractère de classe de la civilisation bourgeoise, de la démocratie bourgeoise, du parlementarisme bourgeois, tous les socialistes ont exprimé cette idée, formulée de la manière la plus scientifique par Marx et Engels, à savoir que la république bourgeoise la plus démocratique n’est rien d’autre qu’un appareil permettant à la bourgeoisie de réprimer la classe ouvrière, permettant à une poignée de capitalistes d’écraser les masses laborieuses. » (122)

La monarchie absolue correspondait autrefois à une société de type féodal. La monarchie est devenue « libérale », « éclairée », ou « parlementaire » quand elle est devenue une forme étatique capitaliste (exemple actuel : l’Etat en Grande Bretagne a une monarchie parlementaire.)

La démocratie bourgeoise a institué le « suffrage universel ». Elle est née d’abord en France par la Révolution démocratique du 14 juillet 1789. Elle est, par excellence, une forme étatique du capitalisme usant des tromperies du parlementarisme et de l’électoralisme.

Le fascisme est une forme étatique du capitalisme qui assure, selon Dimitrov « la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier. »

 

Ces trois formes de l’Etat assurent la dictature de la bourgeoisie :

« Le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière. »

« L’Etat moderne, quelle que soit la forme, est une machine essentiellement capitaliste : l’Etat des capitalistes est le capitalisme collectif en idée. » (123)

 

La France contemporaine vit dans une démocratie bourgeoise en voie de fascisation. L’Etat est engagé dans un processus destiné à permettre la substitution éventuelle du fascisme à la forme démocratique bourgeoise actuelle. Cette éventualité aurait pour but d’opposer, en cas de nécessité, un Etat plus efficace dans la défense des privilèges et de la domination de la bourgeoisie, attaquée par la montée du mouvement révolutionnaire. La crise générale en cours du capitalisme français et mondial, crée des conditions historiques comportant cette hypothèse … ou la révolution prolétarienne.

 

  1. L’ETAT SOCIALISTE

 

Il assure la domination du prolétariat sur la bourgeoisie. Sa fonction historique est d’assurer l’étape transitoire du capitalisme au communisme. A ce sujet, Lénine a indiqué dans L’Etat et la Révolution :

« Le passage du capitalisme au communisme ne peut évidemment pas ne pas fournir une énorme abondance et diversité de formes politiques mais leur essence sera inévitablement une : la dictature du prolétariat. » (124)

Jusqu’à aujourd’hui, la dictature du prolétariat garantie par l’Etat socialiste, a « fourni » trois formes historiques : la Commune de Paris, le pouvoir des Soviets, et la démocratie populaire.

 

La Commune de Paris institua en effet la première forme d’Etat de dictature du prolétariat. Mais, à son époque, n’existait pas encore un parti révolutionnaire spécifiquement prolétarien. Son Etat souffrait gravement de la direction anarchique de plusieurs partis, révolutionnaires, certes, mais qui ne disposaient ni du contenu de classe, ni des structures, ni du fonctionnement d’un authentique parti du prolétariat.

 

Le pouvoir des Soviets a constitué la forme étatique supérieure de la dictature du prolétariat dirigée par un seul parti, le parti du prolétariat, parti nouveau, créé et édifié par Lénine et Staline.

 

La démocratie populaire a exercé « les fonctions de la dictature du prolétariat » (Dimitrov). Elle est apparue, dans des conditions particulières, après la victoire de la révolution anti-impérialiste et anti-colonialiste en Asie, comme après la victoire de la guerre de libération nationale contre le nazisme et le fascisme en Europe. Dans un Etat de démocratie populaire, la dictature du prolétariat s’exerce sous la direction du parti de la classe ouvrière, s’appuyant sur une alliance avec des partis ou groupements représentant d’autres classes ou couches sociales, comme par exemple la paysannerie pauvre et moyenne ou la bourgeoisie nationale.

 

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